Je sors ma tête du bain, l’eau savonneuse dégouline le long de mon dos. Coronavirus.

2020. Une sacrée année, personne ne l’avait prédite, celle-là. Les Mayas parlaient de la fin du monde en 2012. Je me creuse les méninges à savoir si je n’ai pas oublié la prochaine fin-du-monde-à-la-Nostradamus. Les crises définissent nos époques. Qui n’entend pas encore parler de la crise du verglas de 98 ou du printemps érable de 2012, de la Grande Dépression ou de Mai 68 ? Mes parents sont des soixante-huitards, c’est lourd à la fin.

La crise qui nous frappe de plein fouet aujourd’hui est bien distincte. Le coronavirus ne connaît ni frontières, ni couleur de peau, ni religion, ni statut. Il s’infiltre impunément et se répand de corps en corps, mettant à nu notre homogénéité biologique. Bien sûr, il frappe plus rudement les vulnérables que les nantis : comme toujours, c’est la misère qui écope.

Et pourtant, on ne peut que s’apercevoir de la saveur particulière de cette crise planétaire de par sa portée fondamentalement transversale. Elle porte en elle les germes d’une conscientisation remarquable. En effet, elle nous humanise. Elle nous rappelle notre vulnérabilité, notre nature uniforme dans toute sa fragile splendeur.

Curieusement, le coronavirus mène à une profonde remise en question de la notion de contrôle. On n’a jamais été en contrôle, mais on aime ça faire comme si. C’est plus rassurant. Mais là, les planificateurs du dimanche – ceux qui ont un algorithme pour naviguer dans le système de stationnement à vignettes, ceux qui préparent leurs lunchs d’un coup pour toute la semaine – se sont pris une bonne raclée. Comme cette expression que j’ai entendue d’un ami récemment : Man plans. God laughs. (L’homme planifie. Dieu rit.)

Quelles projections sont dorénavant envisageables ? Ton party de mariage : reporté. Ton déménagement : good luck. Ta nouvelle job : à la maison (si t’es chanceux). Ton prochain voyage : oublie ça. Tous nos plans sont soudainement sur la glace. Une glace incertaine, comme celle du parc La Fontaine après une journée de pluie. Tu ne sais jamais quand tu vas tomber dans une craque et te casser le poignet.

On ne nous apprend pas à patiner sur des glaces bosselées. On est habitués au connu, à la stabilité, à la certitude que la zamboni est passée par là.

S’il y a une sagesse essentielle à dévoiler, c’est de lâcher prise. Let go. Sans pour autant tomber dans une paralysie destructive, on peut prendre conscience de notre manie contrôlante, de notre besoin sans cesse grandissant de calculer, planifier et réglementer toutes les sphères de l’existence.

De Kuujjuaq à New York, de Kamouraska à Lagos, de Bergame à Wuhan, le coronavirus nous affecte tous. Il nous confronte à nous-mêmes et à nos peurs. Nos peurs de l’inconnu, de la mort, de la maladie, de la solitude. L’être humain, cette poussière porteuse de rêves océaniques, vogue inexorablement vers le néant.

Profonde respiration. En apnée.

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