Je suis fière d’être Québécoise ! Je suis fière du Québec. Ce n’est pas nouveau, mais en cette période trouble et souffrante, je suis particulièrement émue d’appartenir à une nation démocratique et égalitaire.

Chaque sourire d’encouragement, chaque sentiment de reconnaissance envers le gouvernement, le personnel de la santé, les gens des services communautaires ainsi que toutes celles et tous ceux qui travaillent dans les services essentiels pour nous aider à vivre, voire à survivre, me procurent une grande confiance en l’humanité.

D’une certaine manière, l’art et la culture font aussi partie des services essentiels, car l’art guérit les maux de l’âme. Ce qui n’est pas rien quand se profile devant nous le spectre de la solitude. Dans sa pièce HA Ha !…, Réjean Ducharme ne décrivait-il pas nos espaces de vie moderne comme des solitudes habitables ?

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La pièce HA Ha !…, de Réjean Ducharme, au TNM en 2011

La beauté, chez les humains que nous sommes, c’est que même confinés dans nos habitacles nous n’avons jamais autant communiqué avec ceux que l’on aime, si près, si loin de nous. J’ai choisi le métier d’artiste pour que nous soyons ensemble. Plus spécifiquement, c’est le théâtre qui m’a choisie. L’artiste de théâtre ne crée pas dans la solitude. Il a besoin de vivre avec ses contemporains pour témoigner de la complexité de l’existence et pour traduire les émotions qui l’animent, le bouleversent. Il cherche constamment à s’émanciper au contact des autres artistes, des travailleurs de la culture, et du public. Cette quête d’espace qui nous libère des contraintes du réel me manque terriblement et c’est ce manque que j’ai envie de partager avec vous.

Je suis une artiste mais, avant tout, je suis une citoyenne du monde et je ne peux oublier ce que la richesse et la profondeur de nos échanges apportent à l’évolution de l’humanité.

Shakespeare a écrit : le monde est un vaste théâtre et nous en sommes tous les acteurs. C’est cette devise qui est gravée sur l’un des murs extérieurs du Théâtre du Nouveau Monde.

Aujourd’hui, les tragédies se vivent au quotidien sur l’immense scène du monde et ceux qui y tiennent les premiers rôles, ce sont des gens qui ont choisi de dédier leur vie au bien-être collectif. Si Hamlet venait hanter notre territoire, nous répondrions en chœur à son « Être ou ne pas être » : nous voulons exister. Nous voulons vivre et assurer à notre planète toutes les conditions idéales à son développement. Naturellement aujourd’hui, Roméo n’escaladerait pas le balcon de Juliette pour lui exprimer son amour et Christian ne pourrait voler le baiser de Cyrano de Bergerac pour aller le porter à la belle Roxanne, elle aussi interpellée de son balcon. Mais ce n’est pas ce qui nous empêche de croire en l’amour ! L’amour de nos proches, l’amour du prochain, l’amour des autres, l’amour avec un grand A.

Une partie de la population vit actuellement sur son balcon. Ce qui m’émeut, c’est de voir ceux des maisons de Montréal devenir des petites scènes à ciel ouvert.

Tantôt on y entend une voix chanter l’espoir, on y voit un danseur inviter les quelques personnes amassées devant chez lui à se laisser aller au rythme de la musique, on y aperçoit le personnel d’une résidence encourager les personnes âgées à faire leur exercice quotidien. Sur des balcons plus virtuels, on reçoit également la générosité de tous ces troubadours du cœur qui nous offrent une chanson par jour pour chasser l’ennui, des comédiennes qui lisent leurs textes de prédilection. On arrête le temps pour écouter du théâtre à la radio ou visionner des captations de productions artistiques. Pendant que le monde est en arrêt, l’art et la culture sont en marche et se préparent déjà à la relance. Car je crois fermement que lorsque la pandémie aura cessé son expansion, l’art vivant sera plus vivace que jamais grâce à notre solidarité et notre résilience.

Nous retrouverons ensemble, je l’espère, la joie de connecter avec de grandes passions, des récits épiques, de la poésie engagée, des traversées d’imaginaire et des performances étincelantes !

Les saisons prochaines vous promettent ce partage, dans la joie des retrouvailles, de ce que nous avons en commun et qui nous permet de garder l’espoir : notre culture.

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