Aux États-Unis, la santé coûte cher, très cher. En 2018, le total des dépenses en santé s’est élevé à 3650 milliards de dollars, ce qui équivaut à 18,1 % du PIB pour une population de 325 millions de personnes. À titre comparatif, le Canada dépense 11,6 % de son PIB en santé pour 37 millions de personnes.

Chaque critique du système de santé américain a ses recommandations, ses solutions pour contrôler les coûts. Certains commentateurs veulent contenir les dépenses des programmes publics américains Medicare et Medicaid qui offrent des soins aux personnes âgées et aux plus démunis. Plusieurs décideurs montrent du doigt les compagnies pharmaceutiques qui surchargent pour certains médicaments. Tandis que d’autres critiquent les hôpitaux et les compagnies d’assurance privée qui déploient une armada administrative pour gérer leurs activités et maximiser leur retour.

Kaiser Permanente, une organisation intégrée de soins américaine, a choisi de concentrer ses efforts sur une autre cible, les 5 % des patients les plus malades.

Dans un article de la Harvard Business Review, deux anciens dirigeants de Kaiser rapportent que ces 5 % des patients accaparent 50 % des dépenses en santé.

Dans ces 5 %, il y a un premier groupe de patients atteints d’une ou plusieurs maladies chroniques dont la condition peut être améliorée ou gardée sous contrôle comme les personnes souffrant de diabète, d’asthme, de problèmes de santé mentale. Une seconde catégorie regroupe les personnes ayant subi un événement soudain comme un trauma majeur, un cancer. Ce sont des personnes qui ont besoin de soins, de suivis, dont il est difficile de prévoir l’issue. Puis, un troisième groupe comprend les patients avec des conditions médicales chroniques sévères comme les cardiopathies sévères ou les maladies rénales chroniques. Ces patients ne peuvent être amenés à la santé et requièrent des traitements dispendieux.

Plusieurs systèmes de santé comme le Kaiser ont développé des programmes de gestion des maladies chroniques pour traiter les plus malades. Des équipes qui emploient des infirmières, des travailleurs sociaux, des psychologues, sont déployées sur le terrain pour offrir des soins aux patients plus malades et suivre leur état de santé. Ces programmes prennent en considération une variété de besoins comme le transport, l’hébergement, la nutrition, l’aide psychologique, les soins de santé. On veut garder le patient le plus possible hors de l’hôpital.

Nouveau modèle de soins

De plus, Kaiser Permanente expérimente un nouveau modèle de soins pour les patients atteints de maladies chroniques. On fournit aux médecins de famille des technologies de pointe et des assistants médicaux pour des visites à domicile. L’assistant médical est en quelque sorte l’extension du médecin de famille. Il communique avec le patient, révise les informations et rapporte ce qui a été vu au médecin.

Des études montrent qu’il y a moins de complications lorsqu’il y a suivi actif des patients atteints de maladies chroniques.

Il y a moins de visites à l’urgence, moins de journées d’hospitalisation et moins de réadmissions.

Il faut comprendre que chaque jour d’hospitalisation coûte très cher aux États-Unis. On évalue que le coût d’une hospitalisation peut varier entre 2000 $ et 7000 $ par jour.

Bien que certains gains peuvent être réalisés en déployant des programmes de gestion des maladies chroniques auprès des patients malades, les économies demeurent en deçà des attentes.

Alors qu’est-ce qui fait gonfler autant la facture ?

Les États-Unis ont pourtant une population relativement jeune et, à l’exception de certaines procédures, les Américains consomment moins de services de santé, de visites chez le médecin, d’admissions à l’hôpital et de journées d’hospitalisation que les Européens.

Pour le professeur émérite de Princeton Uwe Reinhardt, la réponse est plus englobante, ce sont les prix lorsqu’on compare les systèmes de santé des pays faisant partie de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les prix de virtuellement tous les produits et services de santé sont au moins le double des produits et services comparables des autres pays. Une conclusion reprise dans un article du Health Affairs de janvier 2019.

Des leçons pour le Québec

Au Québec, nous ne sommes pas dans la même dynamique et nous avons des contraintes qui sont différentes, mais les ratés de notre réseau sont bien réels et nous devons nous y attarder de façon intelligente et innovante.

Or, des leçons et des solutions peuvent être tirées des expériences de nos voisins américains.

Pour relever le défi de traiter les plus malades, il faut déployer des systèmes intégrés de soins avec des équipes interdisciplinaires qui vont sur le terrain, à domicile, dans les CHSLD pour traiter certaines conditions, faire des suivis et régler des problèmes à la source.

De plus, des assistants médicaux et des technologies de pointe devraient être rendus disponibles comme extension aux médecins de famille pour aller à la rencontre des patients plus malades et faire un meilleur suivi.

Le système de santé doit traiter plus efficacement ce 5 % de patients avec des maladies chroniques pour améliorer leur état de santé, prévenir leur hospitalisation et leur offrir une meilleure qualité de vie.

Ce n’est qu’en étant proactif, en innovant et en étant sur le terrain qu’on pourra mieux traiter les patients, éviter de congestionner les urgences et les sans rendez-vous, et être plus efficaces.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion