Le gouvernement du Canada ne s’est pas assuré d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des communautés habitant le territoire ancestral, non cédé, de la Première Nation wet’suwet’en.

Il en a pourtant l’obligation morale, politique et juridique. C’est ce qui nous amène à la situation de blocage actuelle. Et pourtant, les médias continuent majoritairement de parler de violation de l’État de droit par les autochtones. Mais de quel État de droit parlons-nous ici ? Un État de droit pour qui ?

Si le Canada constitue un État de droit pour la majorité d’entre nous, les Blancs, tel n’est pas le cas pour les peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Au cours des 25 dernières années, nombre d’enquêtes ont été menées concernant les peuples autochtones du Canada. Toutes convergent dans le même sens. L’État canadien n’a eu de cesse, jusqu’à ce jour, de bafouer les droits des peuples autochtones et a failli à sa tâche d’en assurer le respect et la protection, que justice soit rendue.

Le Canada souscrit à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) alors que la Colombie-Britannique vient d’en adopter l’application dans sa législation. Le consentement libre, préalable et éclairé est une des pierres angulaires de la DNUDPA. Or celui-ci ne peut être assimilé à une transaction privée. TC Energy, l’entreprise derrière le projet de gazoduc Coastal GasLink, a négocié une entente portant sur le partage des bénéfices avec les conseils de bande, une création émanant de la Loi sur les Indiens considérée par plusieurs autochtones comme une loi coloniale. Ce que reconnaissent d’ailleurs plusieurs chefs de conseils de bande. En aucun cas cette négociation ne rencontre les normes minimales d’un processus inclusif menant à un consentement libre, préalable et éclairé des communautés, puisque certains groupes ont été exclus du processus de prise de décision.

Si les conseils de bande ont le pouvoir de gérer les réserves, ils n’ont pas d’autorité sur les terres ancestrales non cédées. C’est habituellement plutôt les chefs héréditaires qui détiennent celle-ci. Un principe reconnu juridiquement par le Canada depuis l’arrêt Delgamuukw de 1997.

L’entièreté du tracé du gazoduc se situe en dehors des réserves. Les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique le savent.

Des discussions avec la nation wet’suwet’en, par l’entremise de ses chefs héréditaires, auraient dû être entreprises dès le début et en arriver à un consensus acceptable pour toutes les parties et en respect de l’autonomie des peuples autochtones sur leurs terres, une autre pierre angulaire de la DNUDPA.

Les chefs héréditaires de la nation wet’suwet’en et plusieurs des membres de leurs communautés s’opposent au passage du gazoduc sur leurs territoires depuis 2010. Ils ont signifié leur opposition et les raisons de celles-ci, notamment parce que ce projet mettrait en péril les ressources vitales dont ces nations dépendent : la chasse et la pêche. De plus, dès 2014, ils ont proposé des solutions de rechange au tracé du gazoduc.

Rappelons au passage qu’il s’agit ici d’une entreprise du secteur des énergies fossiles, dont le gouvernement canadien dit vouloir se désengager pour des raisons environnementales évidentes…

Enfin, laisser sous-entendre que 450 personnes perdraient leur emploi au CP à cause d’autochtones qui ne respectent pas la loi, c’est ajouter l’insulte à l’injure. Les liaisons ferroviaires sont bloquées parce que TC Energy et l’État ont failli à leurs obligations morales, politiques et juridiques.

On présume de la bonne foi du gouvernement dans ce dossier. Or, les déclarations et l’adoption de lois ne suffisent pas. Il faut faire des gestes concrets qui fassent primer les droits des peuples autochtones sur les intérêts pécuniaires des entreprises privées.

Le gouvernement Trudeau a raison sur un point : seules la diplomatie et la négociation résoudront le problème, pas la force.

Il peut néanmoins démontrer son leadership et sa capacité à faire des gestes nécessaires, mais impopulaires, en stoppant le gazoduc – permettant ainsi aux trains de circuler de nouveau –, le temps que se terminent les négociations en bonne et due forme avec les communautés wet’suwet’en, et non avec ceux qui manifestent leur solidarité avec celles-ci.

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