En acceptant d’accueillir les Jeux de la Francophonie, alors même qu’il n’avait pas encore constitué son gouvernement, le président Tshisekedi a pris une responsabilité énorme et un défi qu’il se doit de relever, pour l’image de son pays. Il devra pour ce faire garder un œil vigilant sur le tableau de bord des préparatifs des Jeux, pour s’assurer que tout ce qui doit être fait soit effectivement fait dans le temps qui reste.

Après le désistement du Nouveau-Brunswick, il revenait normalement à un autre pays du Nord d’accueillir les IXes Jeux de la Francophonie, étant donné que les derniers ont eu lieu en Côte d’Ivoire, et ce, pour respecter le principe sacro-saint de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui veut que les Jeux soient organisés en alternance entre les pays du Sud et du Nord.

Les villes de Sherbrooke au Québec et de Nantes en France, qui étaient en position de tête pour prendre la relève, ont fini toutes deux par renoncer à accueillir les IXes Jeux, pour des considérations financières.

L’Organisation a dû se résoudre à piétiner le sacro-saint principe d’alternance pour se tourner à nouveau du côté des pays du Sud afin de sauver l’édition 2021.

C’est dans ce contexte que la République démocratique du Congo (RDC) a accepté d’organiser les Jeux à Kinshasa, en moins de deux ans, alors que les statuts du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF) prévoient une période de quatre ans pour organiser les Jeux. C’était sans compter que la RDC ne disposait pas de suffisamment d’infrastructures sportives adéquates ni de beaucoup d’expérience en matière d’accueil et de gestion de grands événements sportifs internationaux, tels que les Jeux de la Francophonie qui doivent rassembler plus de 3500 athlètes issus de différents pays membres de la Francophonie.

On s’attendait à ce que le gouvernement congolais mette les bouchées doubles pour rattraper les retards, que nenni. À moins d’une année et demie de l’événement, on a l’impression que rien ne bouge sur le terrain et que les autorités politiques congolaises ne prennent pas toute la mesure de l’enjeu pour l’image de leur pays.

En décembre dernier, le premier ministre congolais a signé un décret portant création, organisation et fonctionnement du Comité national de la 9édition des Jeux de la Francophonie à Kinshasa. À l’heure qu’il est, seul le Comité de pilotage, qui est en principe l’organe d’orientation et de décision, a été mis en place. Il est composé d’une vingtaine de ministres et délégués de ministres sous la direction du ministère responsable de la Coopération internationale et de la Francophonie. Le Comité national des Jeux de la Francophonie (CNJF), qui est censé travailler à temps plein pour l’organisation des Jeux comme stipulé dans les statuts du CIJF, n’est toujours pas encore constitué formellement par arrêt interministériel.

Et pourtant, en signant le cahier des charges avec l’OIF, le gouvernement congolais s’était engagé à créer un Comité national des Jeux de la Francophonie (CNJF) par décret et de commencer les travaux de construction du Village de la Francophonie avant la fin octobre 2019.

Alors que le gouvernement congolais avait déjà pris du retard dans la création du Comité national des Jeux, c’est seulement en décembre dernier qu’il a annoncé avoir émis un premier chèque de 1,344 million de dollars américains pour réhabiliter la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN), un des sites choisis pour accueillir les activités liées à ce grand événement sportif et culturel. C’est à l’issue de cette annonce que le Comité de pilotage des Jeux a dévoilé la maquette conçue pour aménager le site de la FIKIN qui devra accueillir la plus grande partie des compétitions.

Entre-temps, les travaux pour la construction du Village des athlètes et des installations de compétition n’ont toujours pas commencé.

L’OIF commence-t-elle à s’inquiéter ? En tout cas, il y a des signes qui ne trompent pas.

Lorsque le décret portant création du Comité national de la IXédition des Jeux à Kinshasa a été promulgué, il n’a pas été communiqué rapidement à l’OIF, comme on peut lire dans une correspondance que Catherine Cano, administratrice de l’OIF, a adressée à Pépin-Guillaume Manjolo, ministre congolais responsable de la Francophonie et président du Comité de pilotage des IXes Jeux. Même en utilisant un langage diplomatique, l’administratrice de l’OIF avait du mal à dissimuler sa frustration quant au fait qu’elle avait reçu par un autre canal la copie de ce décret, alors que cela aurait dû lui être transmis par la voie officielle, en primeur.

« Nous aurions préféré recevoir ce décret officiellement de votre part dans le cadre de la bonne coopération entre le CNJF et le CIJF. Cependant, nous en avons bien pris connaissance et nous nous réjouissons de la poursuite des préparatifs des IXes Jeux 2021. À ce sujet, je souhaiterais attirer votre attention sur quelques points, consignés dans le document ci-joint, que le CIJF souhaiterait que vous puissiez prendre en considération. » – (Extrait de la lettre de l’administratrice de l’OIF adressée au ministre congolais responsable de la Francophonie, en date du 12 décembre 2019).

En effet, pour s’assurer que les préparatifs vont bon train pour accueillir les Jeux en juillet 2021, une forte délégation de l’OIF, conduite par Catherine Cano, numéro deux de l’Organisation, a séjourné à Kinshasa du 29 janvier au 1er février derniers, certainement pour tirer la sonnette d’alarme auprès du gouvernement congolais quant à la nécessité d’accélérer la cadence des travaux.

Malgré les assurances données par les autorités congolaises, à savoir que toutes les mesures sont prises pour assurer la tenue effective de ces Jeux en 2021, la délégation de l’OIF, qui a eu l’occasion de visiter les différents sites qui vont accueillir les compétitions des Jeux, s’est rendu compte de l’état d’avancement des travaux qui ne semblent pas toujours avoir pris la vitesse de croisière.

Félix Tshisekedi doit garder un œil sur le tableau de bord des Jeux

En acceptant d’accueillir les Jeux de la Francophonie, alors même qu’il n’avait pas encore constitué son gouvernement, le président Tshisekedi a pris une responsabilité énorme et un défi qu’il se doit de relever, pour l’image de son pays. Il devra pour ce faire garder un œil vigilant sur le tableau de bord des préparatifs des Jeux.

Comme l’avait fait son homologue ivoirien Alassane Dramane Ouattara, qui a organisé les meilleurs Jeux de toute l’histoire de la Francophonie en 2017, Félix Tshisekedi doit s’impliquer personnellement et faire en sorte que toutes les dispositions soient prises pour assurer la bonne organisation et l’accueil le plus chaleureux possible de jeunes athlètes francophones.

En effet, le 30 janvier dernier, lors d’un échange de vœux avec le corps diplomatique accrédité en RDC, le président congolais a encore réitéré la volonté de son pays d’honorer ses engagements d’organiser les IXes Jeux de la Francophonie : « Je tiens à rassurer toutes les parties prenantes que mon gouvernement a pris la mesure de cet événement et prendra toutes les dispositions nécessaires au succès de cette grande fête. »

Tout compte fait, le constat de l’évolution des préparatifs des Jeux reste préoccupant. Mais il est encore possible de rattraper les retards accusés, si le gouvernement congolais accorde une attention particulière et dispose des moyens appropriés. Sinon, il vaudrait mieux pour la RDC solliciter maintenant que soit reportée la date prévue initialement pour ces Jeux. Dans le cas contraire, le décor est bien planté pour un échec évident.

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