L’Almanach du peuple est un livre publié depuis 1870. Consulté majoritairement par les fermiers et dans nos campagnes pour ses prévisions annuelles, auxquelles on accordait beaucoup de valeur.

Je cite : « La publication de données météorologiques incite de nombreuses familles québécoises à consulter l’Almanach du peuple, particulièrement les agriculteurs qui s’y réfèrent pour l’organisation des travaux agricoles. »

L’intérêt pour cette revue est directement lié à ses prévisions du temps (climat), qui resteront une de ses principales caractéristiques pendant 150 ans.

On parle énormément d’agriculture depuis quelques années. Et c’est tant mieux. Et même si nos terres sont couvertes de neige, il en sera exceptionnellement question ici cette semaine.

Sur quelques décennies, on a vu s’établir une agriculture industrielle qui s’attire à la fois la foudre et le respect. Le respect, car on doit nourrir une masse hallucinante de gens. En constante croissance. Ça fonctionne, quoi qu’on en dise.

Et la foudre parce qu’on la montre du doigt – elle est tenue responsable de plusieurs maux contemporains. Confinée dans une opposition éternelle avec les autres formes d’agriculture et bien gardée par un puissant syndicat monopole. Jusqu’ici tout tient. Sauf que le monde a changé. Une nouvelle génération, une éthique et une morale renouvelées, un peu de science, des corrélations, de nouvelles idées alimentaires…

Un long préambule pour dire que je suis allé prendre une bière avec le ministre de l’Agriculture cette semaine. Par souci de transparence, c’était sa demande. Cet homme, André Lamontagne, dirige un gros ministère historique et important. Il semble très différent de ses prédécesseurs, et c’est tant mieux. Entre autres choses, car il veut clairement fédérer tous les acteurs et rassembler. Parce que ça fait trop longtemps que des gens et des idées s’opposent, au détriment d’un fait essentiel : l’alimentation et la bonne conduite de sa production.

On a récemment beaucoup entretenu l’idée de deux formes d’agriculture (une industrielle et une autre, artisanale), et le système en place n’a semblé favoriser qu’une seule d’entre elles, soit celle d’une entreprise industrialisée. Autrefois familiale et vivrière, elle s’est transformée en oubliant un peu ses racines. Et on les a mises en opposition. Pourtant, les deux peuvent exister. J’insiste ici sur cette opposition (une confrontation en fait), qui ne sert aucune cause.

Changement de garde, et de génération, avec l’écologie en toile de fond, certains veulent faire autrement, mais arrivent trop tard, et dans un système contrôlé par de grosses machines. André Lamontagne s’est fait une tête sur le sujet ; le droit d’exister à toutes les formes d’agriculture.

Le ministre en tient compte. Il a multiplié les rencontres, avec tout le monde, et c’est admirable. Il a écouté. Autant les dissidents et les sonneurs d’alertes que les grandes fédérations, la régie, l’UPA, les mononcles, et les fermiers eux-mêmes, que ceux qui ont des idées innovantes. Et ça semble porter ses fruits.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

« Ça fait trop longtemps que des gens et des idées s’opposent, au détriment d’un fait essentiel : l’alimentation et la bonne conduite de sa production », écrit Marc Séguin.

Hier, samedi, au Congrès annuel de l’Union paysanne (un syndicat non officiel de paysannerie), il a annoncé deux mesures concrètes pour moderniser la Loi sur les produits alimentaires (RLRQ, chapitre P-29) : soit un projet qui permettra l’abattage de volaille à la ferme (et la vente du produit à la ferme) et un autre projet qui va permettre l’utilisation du lait cru (autre que de vache) dans la préparation de certains aliments, toujours à la ferme.

Si ça ne ressemble à rien pour certains, c’est une petite révolution. Pour l’avenir, ces assouplissements ouvrent une brèche importante dans une digue qu’on croyait scellée à tout jamais. Je rappelle que, dans ses efforts, le ministre a dit et insisté sur le fait que ces nouvelles idées ne pénaliseront pas le système industriel déjà en place. La suite sera à nous, en donnant le choix au citoyen de décider comment il veut s’alimenter.

On souhaite d’autres assouplissements. Ce n’est pas encore un tout-inclus, on s’entend, mais cette ouverture est historique. On peut recommencer à rêver à toutes les agricultures. Sans confrontation. Avec intelligence.

Si je prends la peine d’en parler ici, c’est parce que tout ne peut pas être dit. Va falloir lire un peu entre les lignes. Le ministre a une vision qui fait plaisir à entendre. Et des mesures concrètes, dans l’année à venir, qui font en sorte de croire que des voix ont été entendues. Pour le mieux.

Évidemment, ces premières mesures seront encadrées, peut-être en projet pilote, et l’analyse balisera une pratique attendue depuis longtemps.

Ce qu’il y a de bien avec les rencontres en personne, c’est qu’on peut voir et sentir la partie invisible des gens. J’ai posé plusieurs questions au ministre, sur plusieurs sujets d’actualité. Une réponse est revenue plusieurs fois : « Il faut que les gens qui veulent pratiquer une agriculture raisonnable puissent le faire de manière honorable. »

Pour la suite, on a hâte de l’entendre sur les pesticides, les productions hors quota, l’alimentation institutionnelle, les abattoirs, l’accès aux terres, la protection des terres agricoles, les normes environnementales déconnectées de la réalité et l’assouplissement de certaines règles débiles qui freinent la production alimentaire locale et de proximité.

Il y a enfin matière à rêver. L’année en cours marquera vraisemblablement l’histoire de notre agriculture.

Le ministre Lamontagne, dans sa vision, a aussi compris qu’il fallait protéger et rassurer les acquis de l’industrie et des gros systèmes. De grâce, que personne ne demande sa tête parce qu’il va ouvrir des champs de possibles. On serait con de ne pas se donner la chance de devenir un pays avec une véritable agriculture. Pour tous. Loin des prévisions d’un Almanach !

Après vérification à l’interne, de deux sources, on me confirme un élan au MAPAQ. Un ministère trop souvent confiné aux soins administratifs de l’agriculture. On parle maintenant d’idées et de projets réalisables. En espérant aussi qu’à l’UPA on sente le mouvement et qu’on emboîte le pas.

Cela étant dit, en répétant encore que l’agriculture et le système qui nous nourrit ne doit pas être l’affaire que de gestionnaires. Ils font certes partie de l’équation, mais c’est d’abord et avant tout dans un territoire agricole occupé par tous qu’on doit se définir. Peut-être le temps est-il venu de laisser des gens avoir des idées et de les réaliser.

En espérant que le ministre ne soit pas trop bon (!!!), et qu’il reste en poste assez longtemps pour continuer d’insuffler un peu d’espoir à ceux qui rêvent et travaillent notre territoire avec une fierté devenue possible.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion