Ce qui se passe en Chine est aussi une crise environnementale qui nécessite des réponses bien plus globales que médicales. Quand cette catastrophique et triste épidémie autour du coronavirus de Wuhan, désormais appelé le COVID-19, sera derrière la Chine, il faudra que ce pays se pose des questions autour du commerce d’animaux sauvages sur ses marchés.

Au cœur du problème, il y a aussi la destruction de l’habitat qui favorise le contact avec les animaux sauvages porteurs de microbes, dont des bactéries, des virus et des parasites capables de nous refiler ces maladies appelées des zoonoses. Le virus Ebola, le sida, le SRAS et probablement le COVID-19 appartiennent tous à ce groupe de maladies humaines d’origine animale. Les spécialistes de la question s’accordent désormais pour dire que les solutions durables à ces problèmes comme celui que traverse actuellement la Chine passent par des approches intégrant à la fois la santé animale et humaine, mais aussi la santé environnementale, notamment la protection de la biodiversité et de son habitat. Cette approche, mise de l’avant au début des années 2000 et dénommée One World, One Health, est certainement la médecine préventive la plus efficace que la Chine devra adopter.

Pour cela, il faut que le pays de Xi Jinping donne un solide un coup de barre dans ces marchés où on vend des animaux sauvages pour la consommation humaine. 

Sinon, à la fin de cette bataille qu’elle livre contre le COVID-19, il faudra que la Chine se prépare pour une autre offensive microbienne dans un avenir pas lointain.

Tant qu’à attaquer le problème de front, la Chine devrait aussi faire un sérieux ménage dans les départements de sa médecine traditionnelle, surtout ceux consacrés aux aphrodisiaques qui font aussi certainement partie du problème. Les pannes de libido de ce populeux pays semblent être un problème sérieux qui coûte très cher à la biodiversité planétaire. Pensez ici à la corne de rhinocéros qui, une fois réduite en poudre, agrémente des soupes ou est encapsulée et vendue à fort prix à des hommes convaincus que toute la force du pachyderme sera miraculeusement transposée dans leur zigounette.

Pourtant, toutes les études scientifiques sur le sujet ne trouvent absolument rien dans ces cornes qui puisse significativement donner du corps au corps caverneux. Depuis 1970, 90 % des populations de rhinocéros de la planète ont disparu, en grande partie à cause de ces pratiques absurdes qui enrichissent des criminels barbares empochant des dizaines de milliers de dollars pour chaque corne vendue sur le marché noir. La corne de rhinocéros est constituée principalement d’une protéine fibreuse appelée la kératine. Celle-ci abonde dans tous les phanères, dont les ongles, les cornes des ongulés, les sabots, les cheveux, les carapaces de tortue ainsi que les plumes et les becs d’oiseau. Autrement dit, si la kératine avait la capacité de lever le bambou, tous les anxieux de la terre qui se rongent les ongles à longueur de journée devraient toujours avoir la pine debout !

Le cas des hippocampes est aussi préoccupant que celui des rhinocéros. Même si ce petit cheval de mer figure sur la liste de la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction (CITES), le massacre des hippocampes continue impunément en Chine où des quantités astronomiques de ces poissons atypiques sont, encore une fois, déshydratées, réduites en poudre ou transformées en gélules. L’organisme Save Our Seahorses estime à 150 millions le nombre d’hippocampes qui sont capturés annuellement et mis en grande partie au service de la libido-anxiété du continent asiatique.

Et que dire des tigres qui sont braconnés pour leur os, mais surtout pour leur pénis qui, lorsque consommé avec les testicules, est censé remettre au garde-à-vous des petits soldats de l’empire du Milieu.

Pour cette espèce, c’est au moins 97 % de sa population qui a été massacrée au XXe siècle.

Cornes de rhinocéros, pénis et testicules de tigre, pénis de yak, ailerons de requin, pénis de phoque, vésicules biliaires d’ours… nombreux sont ces produits de contrebande censés régler la débandade et des pannes de libido mâles. Malheureusement, ces croyances solidement ancrées ont des conséquences dramatiques.

Dans leur désir de comprendre l’explosion du COVID-19, des scientifiques chinois ont déjà, à tort ou à raison, montré du doigt les pangolins comme réservoir potentiel du virus de Wuhan. Ce qui voudrait dire que la Chine n’a pas vraiment tiré une leçon durable de la crise du SRAS de 2003 qui l’avait amenée à bannir les civettes des marchés et à en abattre au moins 10 000. Même si la piste du pangolin est contestée, le simple fait qu’on suspecte ce petit mammifère des régions chaudes d’Afrique et d’Asie du Sud-Est en dit long sur un problème que la Chine ne peut plus ignorer.

Que font ces animaux sauvages déjà inscrits sur la liste des espèces menacées de disparition dans un marché chinois ?

Pour trouver la réponse, il faut encore penser aphrodisiaque. Le pangolin, cet animal qui ressemble à un artichaut vivant, a aussi la malchance de faire partie de ces stimulus à quatre pattes dont une certaine croyance chinoise considère les écailles sur le corps porteuses de vertus curatives et aphrodisiaques. Or, quand la médecine chinoise soupçonne un animal porteur d’une force sexuelle transférable à l’humain, cette créature peut tout de suite aller s’inscrire sur la liste des espèces en voie en disparition.

PHOTO ROSLAN RAHMAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le pangolin est le mammifère le plus braconné au monde – une certaine croyance chinoise considère les écailles sur son corps porteuses de vertus curatives et aphrodisiaques.

Ainsi, en novembre 2019, l’ONG WildAid a révélé que près de 100 000 pangolins sont victimes chaque année d’un trafic illégal. Ce qui en fait le mammifère le plus braconné au monde. Le même organisme a rapporté que les saisies illégales de cette espèce sur la planète sont passées de 21 kg en 2011 à plus de 68 tonnes en 2019. Malgré le fait que la CITES leur accorde un haut degré de protection depuis 2016, les pangolins africains sont encore massivement embarqués pour l’Asie à partir d’un réseau de trafiquants solidement installé en Afrique du Sud. Tout ça en grande partie pour l’industrie de la béquille pénienne.

Pour une solution globale et durable, je pense que la Chine devrait investir massivement dans des programmes de sexologie et de psychologie plutôt que de rester éternellement complice d’activités criminelles au service de croyances et de pratiques rétrogrades et à l’efficacité douteuse. Comment le gouvernement de Xi Jinping, disposant d’un système de surveillance si sophistiqué qu’il arrive à voir un citoyen se décrotter le nez dans sa voiture à un feu rouge, peut-il ignorer les drames écologiques qui se jouent dans ses marchés ?

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