Dans une lettre à La Presse publiée le 11 février dernier, le professeur de droit Jean Leclair accuse le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, le premier ministre François Legault et le ministre Simon Jolin-Barrette d’hypocrisie et sous-entend que leur opposition à l’utilisation de fonds fédéraux pour contester la loi 21 relève de l’hypocrisie. 

Il accuse aussi les gouvernements québécois successifs d’avoir abandonné les francophones hors Québec et, du même souffle, soutient que plusieurs nationalistes ont une conception raciste de la nation. Ce chapelet d’accusations est mensonger pour plusieurs raisons.

Une Charte illégitime

Commençons par nos frères de langue des autres provinces. On ne peut que souhaiter que ceux-ci obtiennent un meilleur traitement linguistique. Le problème est qu’avec la Constitution de 1982, Pierre Trudeau a voulu aider ces minorités tout en réduisant en même temps l’autonomie du Québec en matière d’éducation. Il a en effet inventé de toute pièce le prétendu droit fondamental d’étudier en anglais au Québec et en français dans le reste du Canada. Il a ainsi donné aux juges fédéraux le pouvoir d’invalider la loi 101 qui restreignait l’accès à l’école anglaise chez nous. Les magistrats nommés par Ottawa ont diligemment invalidé la Charte de la langue française par la suite, et ce à plusieurs reprises.

La Charte canadienne est faite de telle façon que chaque gain fait par les francophones hors Québec permet presque toujours de faire progresser l’anglais au Québec.

M. Leclair le reconnaît lui-même. Il peut bien accuser les gouvernements québécois successifs d’avoir eu une mentalité d’assiégés, mais si péquistes et libéraux ont fait cause commune en cette matière, c’est bel et bien parce qu’il y a un danger pour nous. D’ailleurs, le professeur Leclair ne mentionne pas que la Charte canadienne a conduit les francophones hors Québec à plaider contre la loi 101 jusqu’en Cour suprême, et ce beaucoup plus souvent que notre gouvernement a plaidé contre leurs droits. S’il veut blâmer quelqu’un dans cette affaire, il peut pointer du doigt Pierre Trudeau qui, lors du rapatriement, a cyniquement mis en opposition les francophones du Québec et ceux des autres provinces avec l’article 23 de la Charte.

Mais M. Leclair fait fi de l’histoire. Il note plutôt que la grande majorité des fonds donnés par le Programme de contestation judiciaire ont servi aux francophones du reste du Canada. Cela ne pose pas de problème de légitimité puisque les neuf autres provinces ont ratifié la Constitution de 1982 sur laquelle s’appuie ledit programme. Il en va bien sûr tout autrement pour le Québec à qui on a imposé cette réforme constitutionnelle sans son consentement.

On peut être, comme Jean Leclair, un grand admirateur de la Charte canadienne des droits et libertés et de celui qui l’a mise en place. Il reste que, même en supposant que la Charte soit bel et bien un instrument de progrès et de bien, elle est illégitime chez nous. Même Philippe Couillard, le premier ministre le plus fédéraliste de notre histoire, considérait que les Québécois étaient « des exilés au sein de leur propre pays » à la suite du rapatriement sans le Québec. Un autre, sans doute, qui a cédé à la soi-disant mentalité d’assiégé que dénonce M. Leclair.

L’universalité de notre nationalité

Venons-en maintenant aux propos les plus problématiques du professeur de l’Université de Montréal. Il reproche à beaucoup de Québécois d’avoir développé une conception de la « nation blanche francophone de souche ».

Je voudrais lui rappeler que la nation et la race sont des questions complètement distinctes et que la très grande majorité des Québécois fait cette distinction.

La nation québécoise inclut de nombreuses personnes dont les ancêtres sont venus du Viêtnam, des Antilles, de l’île Maurice et j’en passe. Au fil des générations, ils ont appris à parler français, ils ont adopté nos valeurs, bref, ils ont pris racine dans notre terre et sont devenus 100 % québécois. Qui dispute leur appartenance à notre nation même s’ils ne sont pas blancs ? Plusieurs sont régulièrement élus dans notre Assemblée nationale. Leur histoire témoigne plutôt de l’universalité de notre nationalité.

Celui qui pose la question raciale, c’est M. Jean Leclair lui-même dans son texte à La Presse. Il brandit ce concept de façon malhonnête pour discréditer les nationalistes. En réalité, ce genre d’accusation gratuite ne peut faire qu’attiser les tensions entre les uns et les autres au sein de notre société. M. Leclair se livre ainsi à un jeu dangereux et irresponsable, indigne du rôle d’intellectuel qui doit être le sien.

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