C’est ainsi que Chateaubriand décrivit le claudiquant Talleyrand, ministre des Affaires étrangères de France, s’appuyant sur son ennemi juré, Fouché, ministre de l’Intérieur, quand on les vit entrer ensemble pour saluer le monarque rétabli sur son trône.

Le spectacle de Donald Trump destitué par la Chambre des représentants américaine, et Bibi Nétanyahou, mis en accusation pour une série de turpitudes dans son pays, rivalisait avec cette image historique. Mais la supercherie du soi-disant « plan de paix » frise le crime parfait. Oublions l’évidence de l’absence des principaux intéressés que sont les Palestiniens. Déjà à Madrid en 1991, les Palestiniens n’étaient que des membres de la délégation jordanienne tandis que la plupart des engagements pris dans le cadre des accords d’Oslo en 1993 et 1995 envers les Palestiniens n’ont pas été respectés. La colonisation dans ce qui devrait constituer la Palestine indépendante compte plus de 700 000 colons juifs sur un espace représentant moins de 20 % de ce qui était la Palestine sous mandat britannique à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les administrations américaines précédentes ont régulièrement déploré la colonisation juive du bout des lèvres mais sans jamais l’empêcher, tandis que les grands cris de condamnation d’Israël par les pays arabes ont progressivement perdu en intensité alors que le spectre d’une montée en puissance de l’Iran les ralliait de plus en plus ouvertement du côté d’Israël. D’ailleurs, ces pays n’ont jamais répété l’embargo pétrolier de 1973 contre les États-Unis après l’appui de ces derniers à Israël dans la guerre du Yom Kippour, et de nos jours, les États-Unis ne subiraient aucun impact d’un embargo.

L’ironie aujourd’hui, c’est que seul l’Iran défend la cause des Palestiniens, non tant pour ces derniers mais bien plus pour humilier les pays arabes.

Maître du jeu, Trump, au service de Nétanyahou, outre un coup de pouce majeur à son endroit à la veille de la troisième élection en Israël en un an, lui a offert dans ce plan de paix tout et même plus que ce qu’il pouvait rêver d’obtenir : la légitimation de toutes les colonies en Cisjordanie avec la promesse que personne ne serait chassé de son habitat, le contrôle de la rive gauche du Jourdain, quatre ans de négociation sans échanges de territoire contrairement à ce qui avait été envisagé entre Arafat et Olmert en 2008 pour compenser l’impact des colonies israéliennes en Cisjordanie, l’illusion du doublement du territoire palestinien par le truchement de banderoles de territoires au sud du désert du Negev, certains restant sous contrôle israélien, créant un pays désarticulé, avec un tunnel pour rejoindre Gaza. 

Jérusalem

Jérusalem reste la capitale indivise d’Israël, tandis que les Palestiniens, un peu comme la papauté à Rome mais dans des conditions moins avantageuses, auront leur capitale le plus au bord possible de Jérusalem-Est. Tout cela pour 50 milliards de dollars si Hamas cesse d’être Hamas – ce qui ne serait pas un mal, que les Palestiniens renoncent au terrorisme sous toutes ses formes, qu’ils n’aient pas d’armée et qu’ils acceptent la notion d’Israël, nation juive, évidemment au détriment des Palestiniens israéliens.

Le fameux droit de retour revendiqué par les Palestiniens pour les descendants de leurs ancêtres chassés en 1947 est liquidé une bonne fois pour toutes.

Il est évident que ce plan est inacceptable pour les Palestiniens et, beaucoup plus dommage, c’est qu’il ne constitue pas une base de négociation. Pourtant, la nécessité d’un accord réel est plus indispensable que jamais, indépendamment de toutes les résolutions des Nations unies bafouées par Israël depuis 1947. Les Palestiniens ont droit à un État réel, et les Israéliens, engoncés dans leur sentiment de sécurité, ne peuvent ignorer que faute d’un État distinct, un jour, les « arabes » seront majoritaires dans l’espace total sous contrôle israélien, vivant dans une forme d’apartheid dont personne ne veut mais qui, de jour en jour, devient une réalité criante.

Le plan Trump n’est pas une garantie de sécurité pour Israël et, même si les pays arabes se sentent stratégiquement proches de l’État juif pour l’instant, ils auront du mal à cautionner un plan de paix aussi désastreux. S’ils le font quand même, le désespoir palestinien risque de déclencher une troisième Intifada plus virulente et meurtrière que les précédentes, retardant une fois de plus la véritable destinée d’Israël qui est de devenir le moteur de la croissance et de la stabilité au Moyen-Orient.

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