Nous avons appris au début de janvier que l’entrepôt de Provigo à Laval sera fermé. Pas moins de 550 employés perdront leur emploi. Les opérations d’entreposage seront transférées en Ontario dans un centre utilisant des robots. Les employés de Provigo ont appris la terrible nouvelle sans que le puissant Loblaw ne leur donne d’explication. Sous le choc, ils ont réagi violemment en dénonçant le capitalisme pur et dur et en déclarant se sentir comme de simples numéros.

Cette nouvelle a suscité de vives réactions au sein de la population par suite notamment du nombre élevé d’employés perdant leurs emplois et par leur délocalisation vers l’Ontario. Le ministre du Travail est rapidement intervenu et s’est fait rassurant pour atténuer le choc. Il s’est engagé à mettre en œuvre tous les programmes de main-d’œuvre et d’emploi auprès des travailleurs.

Dans la frénésie des nouvelles inquiétantes et à sensation qui alimentent les médias et les réseaux sociaux, celle de la fermeture de l’entrepôt de Provigo a vite été reléguée au second plan et dans l’oubli.

Or, il ne s’agit pas d’une fermeture ou d’une réduction d’emplois comme malheureusement il s’en produit périodiquement.

La fermeture de l’entrepôt de Provigo a ceci de particulier que les employés sont remplacés par des robots.

La robotisation des emplois n’est plus un autre changement inquiétant que l’avenir nous réserve. Dans les faits, nous sommes déjà engagés dans l’ère de la robotisation des emplois. Un changement qui, tout comme pour le réchauffement de l’atmosphère, se produit plus rapidement et de façon plus brutale qu’anticipé.

Les robots qui nous semblaient encore récemment des créatures de la science-fiction sont déjà bien réels. Ils sont déjà à l’œuvre et leur présence dans l’emploi constitue sans aucun doute un enjeu de taille. Une perspective qui ne peut être ignorée et dont on doit essayer de déterminer les impacts négatifs et, comme pour tout changement, les opportunités et les aspects positifs qu’elle présente.

Des centaines de millions d’emplois touchés

Selon les études sur la question, on prévoit que la robotisation va faire disparaître énormément d’emplois. Dans les pays de l’OCDE, qui ne comprennent ni la Chine ni l’Inde, on estime qu’au cours des 20 prochaines années, de 400 à 800 millions d’emplois vont disparaître ou changer significativement de nature. Heureusement, on prévoit qu’en même temps, de nombreux emplois vont être créés. Des emplois qui vont cependant requérir plus de formation et de compétences technologiques. Pour le moment, il s’avère impossible d’établir s’ils pourront combler en nombre les emplois disparus.

PHOTO MARCIO JOSE SANCHEZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

« Dans les faits, nous sommes déjà engagés dans l’ère de la robotisation des emplois », constate Claude Castonguay.

Face à cet enjeu, un changement de culture ou d’attitude va, à mon avis, être nécessaire. Il va falloir cesser de voir un changement de carrière comme un évènement nécessairement négatif.

La robotisation, en occupant des tâches répétitives dépourvues de motivation, va en réalité créer des occasions d’emplois plus satisfaisants et plus rémunérateurs.

Mais cette perspective plutôt positive comporte une contrepartie. Celle de voir une aggravation des écarts sur le marché du travail entre les travailleurs qui ont les compétences pour saisir ces nouvelles possibilités et ceux peu qualifiés qui vont rester limités à des emplois routiniers, dévalorisants et peu rémunérateurs.

À la suite de la fermeture de Provigo, l’entreprise s’est dite prête à négocier avec le syndicat les conditions relatives à la cessation des emplois. Or, il est clair que dès l’annonce de la fermeture, l’équilibre dans le rapport de force entre l’employeur et les travailleurs a cessé d’exister, de même que le pouvoir de négocier des employés.

En conséquence, il y a lieu de s’interroger sur la responsabilité de l’employeur découlant de la fermeture. S’il s’agissait du remplacement d’une machine par une autre afin d’accroître la rentabilité de l’entreprise, la question relèverait clairement et uniquement de l’employeur. Comme il s’agit d’êtres humains qui ont donné de bons services et dont l’avenir pour la plupart était lié à l’entreprise, en toute logique, la responsabilité de l’employeur devrait être à tout le moins aussi grande. D’ailleurs, il faut se demander pourquoi l’État et les contribuables devraient assumer les coûts des programmes gouvernementaux d’emplois simplement pour accroître la rentabilité de l’employeur.

Cette analyse, même si elle ne porte que sur des perspectives plutôt générales, débouche sur la nécessité d’une politique sur la robotisation des emplois.

Le respect des employés devrait être le fondement de cette politique. Ce qui signifie qu’un programme détaillé devrait être établi sur les conditions de la cessation des emplois en tenant compte de la durée de service et de l’âge des employés. Il faudrait aussi assurer un délai suffisant entre l’annonce de la fermeture et la fin des emplois afin que le programme soit suffisamment détaillé, juste et équitable. Enfin, la responsabilité de l’employeur relative au financement de ce programme devrait être précisée.

En définitive, il faut faire en sorte que la robotisation des emplois ne soit pas une manifestation du capitalisme pur et dur.

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