Les données sur l’état du marché locatif publiées récemment par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) nous annoncent une nouvelle crise du logement. Peut-on aborder la question au-delà des mesures d’urgence à court terme ?

La rareté des logements et l’augmentation du coût des loyers s’accentuent dans plusieurs villes du Québec. Elle est particulièrement marquée à Montréal où le loyer moyen a augmenté de 3,9 %, avec une augmentation de 5,7 % pour les logements de deux chambres et 6,2 % pour trois chambres, ce qui est bien au-delà de l’inflation. Les taux d’inoccupation des logements locatifs ont dégringolé encore une fois en bas du seuil d’équilibre fixé à 3 %. 

La situation est très alarmante dans les quartiers centraux, en proie à un processus d’embourgeoisement très avancé. Cette année, le taux d’inoccupation a chuté à 0,5 % dans l’arrondissement du Sud-Ouest, à Montréal. Cette situation résulte du laisser-faire du marché de l’habitation et du dénigrement du droit au logement. 

Le logement est considéré comme une niche d’affaires et fait l’objet d’une opération d’investissement et de spéculation démesurée.

Diverses mesures sont réclamées : réforme en profondeur de la Régie du logement et du Code du logement pour mieux protéger les droits des locataires, interdiction de toute transformation de logement locatif en hébergement touristique ou en condos, examens minutieux avant l’octroi de permis de construction, agrandissement ou subdivision, mise en place de règles et de mécanismes de suivi capables de limiter les ravages des investisseurs immobiliers délinquants, véritable engagement politique pour le développement du logement social à la hauteur des besoins recensés, constitution d’une banque de terrains dédiée aux projets de logement portés par les communautés locales. 

Ces pistes de solution peuvent cerner la crise et infléchir ses effets sur les ménages locataires. Reste à savoir comment les inscrire dans les agendas de notre classe politique.

Le logement social constitue une solution durable au besoin de se loger et permet de construire un patrimoine collectif qui peut jouer le rôle d’un régulateur du marché locatif. C’est un véritable rempart contre l’embourgeoisement et un outil pour le maintien des ménages moins nantis dans les quartiers convoités. 

Cependant, le désinvestissement public dans ce secteur et la remise des projets de logement social dans la remorque du privé a défiguré sa mission de base et a fait de lui un cheval de Troie de l’embourgeoisement. 

Pour obtenir des logements sociaux, les communautés locales sont obligées d’accepter les condominiums qui exercent une pression à la hausse sur les prix des loyers et une reconfiguration de leur tissu social et de leur réalité socioéconomique.

Pour réaliser des logements accessibles pour les familles et personnes moins fortunées, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, réclame plus de moyens des paliers supérieurs. Pour sa part, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, répond que son gouvernement poursuit les négociations avec le fédéral au sujet du financement dévolu au Québec dans la Stratégie nationale du logement. 

Le fédéral, quant à lui, s’occupe davantage de la médiatisation de sa Stratégie et joue le rôle de l’ami de tout le monde sans être l’ami de personne. Bref, les fonds tardent à venir, les acteurs politiques se lancent la balle, la crise s’enracine et les promoteurs immobiliers dictent leurs lois en jouant les cowboys des temps modernes qui chassent les moins nantis des quartiers centraux.

La Stratégie fédérale prévoit l’utilisation des terrains fédéraux excédentaires pour répondre aux besoins en logement. L’arrondissent du Sud-Ouest, durement touché par la crise actuelle, recèle un immense terrain de la Société immobilière du Canada (SIC). Un terrain public qui peut faire partie de la solution s’il n’est pas vendu au plus offrant. La communauté de Pointe-Sainte-Charles réclame l’utilisation de ce bien foncier pour répondre aux besoins les plus urgents, notamment en matière de logement social. Dans la réalité, elle ne réclame que la mobilisation des ressources endogènes pour pallier les problématiques locales de son territoire.

Peut-on avoir le courage de préserver la vocation publique des terrains de la SIC en les réservant pour répondre aux besoins identifiés par nos communautés ? Peut-on avoir le courage d’admettre notre responsabilité dans cette crise, de corriger nos erreurs et de couper la route à ces cowboys qui ne font que perpétuer la crise parce qu’elle leur rapporte gros ?

La réponse est oui… c’est faisable, mais ça prend du courage !

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