En décembre dernier, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a déclaré qu’en plus de compter sur l’immigration et le recours aux travailleurs expérimentés, le gouvernement misait surtout sur le secteur de l’éducation pour s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre au Québec.

Plus tôt ce mois-ci, le ministre des Finances, Eric Girard, a parlé de l’éducation et de la formation de travailleurs comme des piliers pour créer de la richesse à long terme au Québec. Dans ce contexte, il devient capital de s’assurer de rehausser le nombre de travailleurs qualifiés, et la formation professionnelle (FP) joue un rôle fondamental en ce sens.

Que ce soit pour les jeunes ou les adultes, la FP permet à plus de 125 000 personnes de se former chaque année.

Les « jobs payantes, à 25 $, 30 $ ou 40 $ de l’heure » dont parlait François Legault se trouvent pour plusieurs dans les métiers nécessitant un diplôme d’études professionnelles (DEP).

Par contre, dans un contexte de plein emploi comme nous le vivons en ce moment, on assiste malheureusement à une baisse des inscriptions en FP. Cela entraîne évidemment des effets négatifs sur la diplomation, la diversité de l’offre de formation en région et la présence de main-d’œuvre qualifiée partout sur le territoire.

L'emploi au détriment du diplôme

On a récemment mis en relief comment la rareté de main-d’œuvre incite les élèves à travailler davantage, ce qui nuit à leurs études. Malheureusement, cette rareté a aussi un effet pervers sur la formation professionnelle. En effet, les entreprises recrutent de plus en plus sans exiger de diplôme et préfèrent former « sur le tas » pour s’assurer de profiter instantanément de cette main-d’œuvre. Les futurs travailleurs comprennent le message et préfèrent se faire embaucher sans délai, sans toutes les qualifications. Certains quittent même leurs études pour aller travailler à temps plein. On se retrouve ainsi avec des personnes formées pour une seule entreprise, voire un seul poste de travail ou une seule fonction, et qui auront plus de difficulté à progresser et à s’adapter durant le reste de leur carrière.

Si l’entreprise en profite à court terme, c’est tout son secteur industriel qui y perd à long terme, sans oublier les personnes elles-mêmes qui restent sans diplôme, et donc, plus précaires. Ces personnes à la formation incomplète seront les premières à en payer le prix lorsque l’économie tombe en panne. Et c’est toute l’industrie qui aura peine à trouver des employés qualifiés pour se relancer après un coup dur.

Le gouvernement doit envoyer un message fort aux entreprises pour qu’elles embauchent des personnes qui détiennent un diplôme qualifiant. Logiquement, le secteur public devrait faire de même. Par exemple, en santé, malgré la pénurie, il ne faut pas que le réseau public tombe dans le piège d’embaucher des préposés aux bénéficiaires sans DEP.

Pour répondre à la situation actuelle, il est tout à fait possible en santé, comme dans certains autres secteurs, d’offrir une plus grande partie de la formation en stage, donc sur les lieux de travail.

Il faut alors s’assurer que toutes les conditions sont réunies dans les milieux de stage pour y offrir un enseignement de qualité.

La baisse d’inscriptions dans les centres de formation professionnelle diminue l’offre de formation en région, puisque des cohortes, jugées trop petites, ne peuvent démarrer, faute de financement. Restreindre le démarrage de nouvelles cohortes laisse pourtant des centaines de personnes sans possibilité de se qualifier, ce qui est dommageable pour l’économie des régions. Par conséquent, des enseignantes sans contrat quittent la profession, faute de travail. Ces centres perdent alors une expertise précieuse dans l’enseignement de la formation professionnelle, alors même qu’elle est particulièrement difficile à recruter.

Il devient urgent de bonifier significativement la mesure budgétaire pour soutenir le démarrage des petites cohortes en région. Le gouvernement devra aussi revoir le mode de financement de la formation professionnelle dans son ensemble, puisque la formule actuelle est déficiente et dépassée. Le financement de la formation professionnelle à temps partiel n’y est notamment pas prévu, ce qui est tout simplement injustifiable aujourd’hui quand on pense que la moyenne d’âge de ces élèves est de 28 ans, et que plusieurs de ces adultes ont des responsabilités familiales.

Puisque le gouvernement a tenu des engagements significatifs pour la formation professionnelle lors de la dernière campagne électorale, nous attendons de lui qu’il agisse sans tarder. La FP est un levier majeur du développement économique des régions et un pilier de l’éducation, qui ne saurait être négligé davantage. Les défis sont donc très grands pour ce secteur en 2020, et l’expertise des enseignants, précieuse et diversifiée, doit être mise à contribution.

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