Montréal accueille près des deux tiers des personnes issues de l’immigration récente au Québec, proportion qui monte à 83 % lorsqu’on considère le Grand Montréal. L’intégration des personnes immigrantes devrait conséquemment nous interpeller directement. Mais est-ce vraiment le cas ?

À chaque début d’année, Statistique Canada dévoile des données annualisées. On le sait et on le célèbre, le Grand Montréal se rapproche du plein emploi, le taux de chômage moyen pour les 24-55 ans étant de 5 % en 2019, en baisse constante depuis les 10 dernières années.

Lorsqu’on y regarde de près cependant, on s’aperçoit que le taux de chômage des immigrants reçus il y a cinq ans ou moins est plus du double, soit 11,9 %, en hausse de 10 % par rapport à 2018. Pendant ce temps, le taux de chômage des « natifs », soit les Montréalais nés au Canada, était de… 3,8 %, en baisse de 12 % par rapport à 2018.

Il est normal et attendu qu’il soit plus difficile pour une personne nouvellement arrivée au pays de se trouver un emploi que pour quelqu’un qui est né ici. Mais lorsqu’on compare notre performance d’intégration économique à celle de Toronto et de Vancouver, le doute s’installe. Alors que de 2006 à 2019, l’écart entre le taux de chômage des « natifs » par rapport aux « nouveaux arrivants » était de 11,1 points de pourcentage pour le Grand Montréal, il était de 7 points à Toronto et de 5,7 points à Vancouver, un écart moitié moindre que le nôtre.

Aussi, non seulement y a-t-il moins d’emplois offerts aux nouveaux arrivants, mais les emplois qu’on leur refile sont de moins bonne qualité.

L’OCDE calcule le taux de déclassement dans plusieurs régions du monde, c’est-à-dire l’écart entre la position professionnelle à laquelle peut aspirer un individu lorsqu’on considère son niveau d’éducation, et la position réelle, dans la vraie vie. Plus le taux de déclassement est élevé, plus les rêves sont brisés. Au Québec, l’écart entre le taux de déclassement des natifs versus les nouveaux arrivants était de 18,7 points de pourcentage, soit le double que pour l’Ontario (9,5), l’Australie (9,7) et même la France (10,4).

Ce n’est pas certainement ni l’hiver, ni le froid, ni les bancs de neige qui attirent ici des dizaines de milliers de personnes chaque année. Si des individus et des familles viennent du bout du monde pour s’installer à Montréal et au Québec, c’est essentiellement pour avoir une vie meilleure, pour eux et surtout, pour leurs enfants. La pierre angulaire de ce rêve est de trouver un emploi à la hauteur de ses aspirations, sinon, à la hauteur de son potentiel.

À la recherche d’explications

Mais qu’est-ce qui cloche au juste pour que Montréal ait une performance si décevante dans l’intégration économique des personnes immigrantes ? Trois raisons sont souvent mises de l’avant.

D’abord, il y a les ordres professionnels et la lenteur avec laquelle ils traitent les dossiers de ceux qui n’ont pas reçu une éducation québécoise.

Le problème est réel, quoique les choses se sont améliorées ces dernières années. Cela dit, plus des trois quarts des immigrants exercent un métier qui n’est pas régi par un ordre. Donc ceci n’explique pas cela.

Ensuite, il y a la question de la langue. Sans vouloir faire une Denise Bombardier de moi-même, les Québécois sont-ils bien placés pour faire des leçons sur l’importance de parler un français de qualité ? Surtout, pourquoi est-il plus facile pour une personne immigrante d’origine maghrébine de se trouver un emploi à Toronto qu’à Montréal ?

Finalement, il y aurait décalage entre les candidats à l’immigration retenus et les besoins du marché. Cette explication n’est pas sans fondement, mais passe sous silence le fait qu’il est impossible de cerner avec exactitude ces fameux besoins, et moins encore de les projeter dans l’avenir.

À cet égard, les rapports se multiplient aux États-Unis et dans le monde pour démontrer que l’écart entre les formations universitaires et les fameux besoins du marché s’élargit, voire devient abyssal alors que la robotisation et l’intelligence artificielle gagnent du terrain. Arrimer parfaitement notre système d’immigration aux besoins du marché 4.0 est moins simple qu’il n’y paraît.

Une explication rarement évoquée est non pas ce qui cloche avec les personnes immigrantes, mais plutôt avec la société d’accueil.

Aussi, c’est un peu notre rapport à la diversité qui a été mis au jeu, la semaine dernière, par la Ville de Montréal et sa campagne des « Portes fermées ». La campagne documente les obstacles qui se présentent dans le processus d’intégration économique des nouveaux arrivants et lance un appel à tous pour qu’on change les choses.

L’impact de la campagne reste à être mesuré. Cela dit, « Portes fermées » a le mérite de nous interpeller sur un enjeu majeur pour des dizaines de milliers de nouveaux citoyens, mais également pour notre ville, terre de destination de l’immigration au Québec.

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