En 2010, c’est avec consternation, désolation et le cœur brisé que je tâchais de composer avec la dévastation laissée par le tremblement de terre en Haïti — cette terre ancestrale qui coule dans mes veines.

Une décennie plus tard, je renoue difficilement avec ces émotions alors que je vois mon pays d’adoption, l’Australie — pays où j’ai réalisé mon doctorat, pays de ma conjointe — partir en fumée.

Il y a 10 ans, le tremblement de terre qui a secoué Haïti n’était pas sous notre contrôle. Aujourd’hui, la tragédie qui se déroule sous nos yeux en Australie est celle d’un long film dramatique dont nous avons été à la fois acteurs et spectateurs. 

Acteurs, car ces incendies sans précédent qui dévastent la vie de milliers de personnes et détruisent des millions d’hectares d’écosystèmes déjà fragiles sont la résultante de chaleurs et de sécheresses records — deux variables intimement liées aux augmentations des émissions de CO2 d’origine anthropique qui, elles, contribuent à l’augmentation des températures globales et aux changements climatiques. Pour reprendre les mots du climatologue Michael Mann, « it’s not rocket science » ! 

Spectateurs, car voilà maintenant plus de 30 ans que nous connaissons le dénouement de ce film plutôt tragique et que nous restons de marbre à faire le strict minimum pour en altérer le sort. Voilà plus de 30 ans que nous savons que le canari dans la mine est en train de suffoquer. Aujourd’hui, le canari est carrément en feu !

Une situation intenable

Les incendies avec lesquels les membres de ma belle-famille, amis et anciens collègues sont aux prises en ce moment en Australie ont relâché environ deux tiers du budget annuel des émissions de CO2 du pays, soit près de 350 millions de tonnes… tout cela en quelques mois à peine.

À titre de comparaison, cela équivaut à la moitié des émissions du Canada en 2017. En superficie, on parle de plus de quatre millions d’hectares qui ont brûlé en Nouvelle-Galles-du-Sud seulement. Pour situer le tout, au sommet des incendies en Amazonie, on parlait de 900 000 hectares brûlés. 

À travers l’écran de fumée des promesses politiques des dernières années en matière d’actions climatiques, mon dernier rempart d’espoir réside dans l’éveil climatique que nous avons vu naître au cours des 10 dernières années.

D’une part, jamais la communauté scientifique ne se sera faite aussi vocale et politiquement active quant à la nécessité d’établir des politiques rigoureuses et à la hauteur de l’urgence climatique face à laquelle nous sommes confrontés.

D’autre part, la mouvance étudiante ayant provoqué des raz-de-marée humains de part et d’autre du globe est la manifestation que tout un pan de génération (voire de plusieurs générations) n’accepte plus le statu quo face à un système économique qui carbure encore trop aux énergies fossiles et à une croissance tous azimuts.

En toute fin d’année 2019, des chercheurs forts respectés ont publié un article montrant que certains points de bascule globaux sont en train d’être dépassés, le tout pouvant mener à un effet domino de changements globaux irréversibles. Leur constat est on ne peut plus limpide : la stabilité et la résilience de notre planète sont en péril — les actions politiques internationales (et non pas seulement les mots) doivent refléter cette urgence. 

Les prochaines années seront donc cruciales et déterminantes pour notre bien-être collectif. Dans 10 ans, à l’aube de 2030, je sais pertinemment que l’Australie affrontera encore des incendies de brousse et qu’Haïti sera toujours aux prises avec des catastrophes naturelles, certaines portant notre empreinte.

J’aimerais pourtant être en mesure de troquer consternation et désolation pour enthousiasme et espoir, sachant que nous aurons su prendre les bons virages et délaisser les habitudes délétères. Peut-être pourrons-nous alors contempler la métamorphose du canari en phénix.

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