Les dernières apparitions d’Élisabeth II nous ont permis de voir une reine vieillissante qui un jour, comme le commun des mortels, devra quitter la vie de richesses et de privilèges dans lesquels elle a toujours vécu. Ce qui va soulever au Canada la question de sa succession. Il semble probable que ce ne sera pas Charles, son fils aîné, et que ce sera plutôt le prince William, qui lui succèdera. Ce qui signifie que William deviendra le roi du Canada.

Au Royaume-Uni, qui est de moins en moins uni, l’arrivée d’un nouveau jeune roi, avec son épouse Catherine Middleton, connue sous le nom de Kate, va être accueillie comme un rajeunissement excitant de la royauté dans un pays aux prises avec de sérieux problèmes. Les Britanniques continuent d’être très attachés à la famille royale qui leur rappelle leur puissant royaume sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Les frasques périodiques de ses membres qui alimentent la presse jaune entretiennent les ragots, mais n’affectent aucunement leur attachement à la famille royale. Habile, la famille royale les met à l’écart comme vient de l’être le dernier en ligne, le prince Andrew, dont la présence publique était devenue trop gênante.

De notre côté de l’Atlantique, la majorité des Québécois et nombre de Canadiens ne voient aucun lien avec la famille royale et cet éventuel roi du Canada et n’ont aucune empathie envers eux. À noter que depuis plusieurs années, aucun membre de la famille, y compris la reine et William, n’a jugé approprié de visiter le Québec.

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La reine Élisabeth II

En l’absence de modification à la Constitution canadienne, William va donc devenir roi du Canada ; ce n’est qu’une question de temps. Sans que les Canadiens ne soient appelés à se prononcer démocratiquement sur la question. Tout à fait comme à l’ère d’un colonialisme qui rappelle à plusieurs de bien mauvais souvenirs. Alors que l’empire n’existe même plus. 

Ce dernier lien avec la royauté britannique constitue en outre un surprenant anachronisme pour le Canada qui ambitionne de jouer un rôle de leader sur la scène internationale.

Nous n’avons rien en commun avec le Royaume-Uni, ce pays qui rejette l’Union européenne (UE) afin de pouvoir s’engager dans une entente commerciale avec Donald Trump. Un départ qui risque de créer un précédent que voudront sûrement suivre certains pays membres de l’UE. De plus, la sécession possible et probable de l’Écosse et de l’Irlande du Nord avec leurs lots de conséquences politiques, économiques et sociales ne peut être ignorée.

En toute logique, le départ éventuel de la reine Élisabeth présente une occasion unique de préparer, dans le calme, la transformation de la fonction de gouverneur général en celle de président du Canada et de rendre la fonction élective. Ce symbole d’un passé révolu n’a plus sa place à la tête du pays qu’est devenu le Canada.

Un tel changement demanderait évidemment un amendement à la Constitution de 1982 adoptée, faut-il le rappeler, sans l’accord du Québec. Il importe de mentionner que le succès d’un changement de cette nature nécessite un large appui au sein de la population. Cela, notamment, afin d’éviter une autre cause de division.

En ce qui a trait au processus d’adoption d’un amendement, c’est loin d’être une mission impossible. Depuis 1982, la Constitution a en effet été amendée à plus d’une reprise à la demande du gouvernement fédéral et de plusieurs provinces. Plus spécifiquement, elle a été amendée en 1997 pour autoriser l’instauration au Québec d’une organisation des écoles primaires et secondaires sur une base linguistique plutôt que religieuse.

Bien que la fonction de président dans un régime parlementaire soit largement protocolaire, il reste que c’est le président qui a la responsabilité de nommer ou destituer le gouvernement. Avec la multiplication des partis politiques et une plus grande répartition des votes, l’exercice de cette responsabilité peut s’avérer difficile et lourd de conséquences. De là l’importance sur le plan démocratique que la fonction soit élective. Ce qui donnerait au président une légitimité et une autorité politique et morale dont la fonction de gouverneur général est dépourvue.

Quant au mode d’élection du président, l’exemple de fédérations telles l’Allemagne et l’Italie pourrait servir de guide. En Allemagne, le président est élu pour un mandat de cinq ans par les députés du Parlement fédéral, le Bundestag, et des représentants des États, les Länder. L’Italie est dotée d’un processus analogue. Le président est élu pour un mandat de sept ans par l’ensemble des membres de la Chambre (la Camera dei deputati) et du Sénat (le Senato).

Le Canada pourrait se doter d’un tel système bicaméral. Un système qui évite la tenue d’élections au suffrage universel pour que le titulaire de la fonction soit sans attache partisane et respecté. L’ensemble des députés de la Chambre des communes et des membres du Sénat pourrait à cet effet élire le président pour un mandat de cinq ans.

Une approche analogue pourrait être adoptée pour l’élection du lieutenant-gouverneur. En plus des membres de l’Assemblée nationale, les membres de l’Ordre national du Québec pourraient assurer un choix neutre et démocratique du titulaire de cette fonction.

Dans le contexte de divisions profondes qui se perpétuent au Canada, l’introduction d’un président élu à la tête du pays pourrait avoir un impact positif sur le plan de l’unité nationale. Alors que les partis politiques vont se positionner en vue de la prochaine élection qui ne saurait tarder, il va être intéressant de voir si et comment ils vont aborder cette question. Il s’agit pour eux d’une occasion unique de couper le dernier lien avec notre passé colonialiste et d’amener le pays à sa maturité politique.

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