Il y a quelques jours, nous avons souligné le trentième anniversaire de la triste tragédie à l’école Polytechnique où 14 jeunes femmes ont perdu la vie. Leur seul crime était d’avoir cru à une société où les femmes peuvent vivre leurs vies entières et exercer librement les métiers qu’elles choisissent.

Le mois prochain, nous allons souligner le troisième anniversaire de la triste tragédie à la Grande Mosquée de Québec où six pères de famille ont perdu la vie et un septième est resté paraplégique. Leur seul crime était d’avoir cru à une société où les humains peuvent vivre leurs vies entières et exercer librement la religion qu’ils choisissent.

Je suis membre de l’Ordre des ingénieurs du Québec auquel ces jeunes femmes rêvaient d’accéder avant de finir leur vie dans un bain de sang. Comme elles, j’ai aussi fréquenté Polytechnique dans ma jeunesse en tant qu’étudiant en génie. Je suis aussi, comme beaucoup de lecteurs le savent, très associé à la Grande Mosquée de Québec, le théâtre de l’autre tragédie. Inspiré par les émotions causées par mon association avec ces deux tragédies, j’aimerais partager quelques réflexions sur les parallèles entre ces deux tueries et les leçons qu’on doit en tirer : 

1. Les deux tueurs, comme ça a été rapporté, souffraient de troubles mentaux. Il y a eu certaines personnes qui ont essayé d’utiliser la maladie mentale comme motif de tels gestes, si ce n’est pas pour les innocenter au moins pour justifier ces crimes injustifiables.

2. Les deux tueurs ont commis leurs crimes en s’en prenant à des personnes innocentes alors qu’ils ne connaissaient très probablement aucune d’elles auparavant. Les seuls liens entre les victimes et les deux tueurs étaient l’appartenance des victimes à des groupes envers lesquels les tueurs avaient de la haine. À Polytechnique, c’était la haine des femmes et à Québec, c’était la haine des musulmans.

3. Les deux tueurs ont visité les lieux de leur crime avant de les commettre. Ce fait prouve la détermination et la planification malgré les troubles mentaux rapportés.

4. Les deux tueurs ont exécuté leurs crimes avec détermination et sang-froid. Ils ont tous les deux chargé leurs armes plusieurs fois durant l’exécution.

Tracer des parallèles entre les deux tragédies montre le danger de qualifier des actes semblables d’actes isolés, d’essayer de les expliquer ou, pire encore, de les justifier par les troubles mentaux des tueurs. Certes, les troubles mentaux existent et il faut prendre les moyens nécessaires pour les détecter, traiter ceux qui en souffrent et protéger la société de leurs conséquences. Par contre, on ne peut pas tout expliquer ou tout justifier par l’existence de troubles mentaux.

Ça nous a pris 30 ans pour reconnaître la vraie motivation de l’assassin des jeunes femmes à Polytechnique.

On a changé l'inscription sur la plaque commémorative pour inclure le mot « féminicide ». Je salue ce geste qui est un grand pas en avant sur notre chemin vers une société mature qui se respecte et qui respecte tous ses citoyens. Dire que les 14 femmes tuées à Polytechnique ont été victimes de féminicide est l’évidence même. Par contre, ça prenait un courage que nous n’avions pas il y a 30 ans. Dire que l’antiféminisme existe et qu’on doit le combattre ne veut pas dire que tous les hommes sont antiféministes et encore moins que le Québec est antiféministe. Ça dit tout simplement que, malheureusement, ce phénomène existe et fait des victimes innocentes et qu'on doit, comme société, s’en protéger.

À cet égard j’aimerais citer Karine Vanasse, maîtresse de cérémonie de la commémoration du 6 décembre : « J’aimerais que l’on promette à ces 14 femmes que dorénavant […], nous ferons de notre mieux pour nommer les violences avec les mots qui les définissent réellement. Nous avons le devoir de nous souvenir, mais aussi de reconnaître et de nommer. »

M. Legault a déclaré dans la même cérémonie : « Quatorze femmes se sont fait voler leur avenir parce qu’elles étaient des femmes. »

Ne plus avoir peur des mots

J’ose espérer que le même courage et la même lucidité s’appliqueront aux victimes de la Grande Mosquée de Québec. Nous ne devrons plus avoir peur des mots. Les pères de famille de la Grande Mosquée se sont fait voler leur avenir parce qu’ils étaient musulmans.

La cause de la tuerie à la Grande Mosquée de Québec est l’islamophobie, comme la cause de la tuerie à Polytechnique est l’antiféminisme.

Reconnaître l’existence de l’islamophobie et son danger n’est pas accuser les Québécois d’être islamophobes ou accuser le Québec d’être islamophobe ; exactement comme dire que l’antiféminisme existe et qu’on doit le combattre ne veut pas dire que tous les hommes sont antiféministes, et encore moins que le Québec est antiféministe. Ça dit tout simplement que l’islamophobie, malheureusement, comme l’antiféminisme existent et que tous les deux font des victimes innocentes et qu’on doit, comme société, les combattre et s’en protéger.

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