La semaine prochaine, le 45e président des États-Unis, Donald J. Trump, sera inéluctablement mis en accusation par la majorité démocrate de la Chambre des représentants américaine. Et il sera tout aussi inéluctablement innocenté par la majorité républicaine du Sénat au retour des Fêtes.

Que dire de Trump ? Il agonit d’injures ses adversaires politiques, traite avec flagornerie les dictateurs, use libéralement de chantage auprès d’États alliés, mène une politique étrangère que la plus charitable des interprétations qualifierait d’improvisation cyclothymique. Et il regarde beaucoup trop Fox News.

Pour certains, le feuilleton Trump documente le quotidien d’un menteur pathologique, d’un mythomane patenté, d’un abruti d’une suffisance ahurissante pourvu de surcroît d’un ego en perte de contrôle.

Pour d’autres, au contraire, une désinformation de haute voltige comme celle que pratique Trump ne peut être le fait que d’un stratège d’exception, un tacticien inégalé, génial inventeur d’un concept et d’une pratique, les fake news, qui ne cède en rien à la novlangue naguère imaginée par Orwell.

Mais le procès en destitution ne statuera pas sur les idiosyncrasies du président à la houppe orangée.

Comme le Parti républicain domine le Sénat, il est acquis que le président sera exonéré.

Malgré cette cynique certitude, certains rêvent tout haut. Et si le père Noël existait  ? Et si Trump était censuré, démis de ses fonctions, bref si on « impeachait » cet empêcheur ?

Qu’adviendrait-il ?

Rien, c’est-à-dire son vice-président, Mike Pence.

Si Pence était un nom commun dans le dictionnaire, il serait à la fois un antonyme, celui du mot charismatique ; un synonyme, celui du syntagme chrétien évangélique néolibéral ; et un néologisme, celui de l’adjectif hétérodoctrinaire.

À ce propos, sur le site de sa campagne en 2000, Pence avait promis de retirer les subventions fédérales à tous les organismes qui « célèbrent et encouragent le type de comportements qui favorisent la dissémination du virus du VIH ».

Pas de LGBTQ dans l’armée pour l’ami Mike, car cela nuirait à la cohésion des troupes. Peut-être un joyeux drille, ce Pence, mais assurément pas un gai luron.

Sous une présidence Pence, abolition galopante du droit à l’avortement, fiscalité néolibérale fulminante et politique climatonégationniste agressive continueraient sur la lancée de Trump.

Trump est fort distrayant, mais justement, il distrait, dans tous les sens du terme. Les frasques du président fanfaron agissent en trompe-l’œil.

On oublie que ce sont ceux qui l’entourent, ceux qui l’ont porté au pouvoir, qui dictent la politique américaine.

Le règne de la frange la plus à droite

Cette politique, c’est celle de la frange la plus à droite du Parti républicain. Autour du président se presse une coterie bigarrée qui fait la promotion d’une immigration réduite à sa portion congrue, d’une déréglementation généralisée, d’une économie isolationniste et d’un code moral calqué sur le doux temps jadis où « Papa avait raison ».

Rien de nouveau sous le soleil pourtant, dans ce pays qui a déjà connu la médecine des Reagan, des Nixon et des Bush père et fils. Ce qui est nouveau, c’est l’intensité avec laquelle les républicains veulent s’assurer que l’héritage de Clinton et d’Obama soit bien vite effacé.

Pour cela, le Sénat s’est appliqué à installer une hégémonie conservatrice au sein de la magistrature américaine.

Depuis les élections de 2016, 173 nouveaux juges d’obédience républicaine ont été nommés à tous les niveaux de l’appareil judiciaire, y compris à la Cour suprême. Inamovibles, ces 173 juges constituent l’assurance pour les conservateurs républicains que, quels que soient les présidents ou même les gouverneurs des États, une interprétation conservatrice viendra verrouiller la contestation.

La marmite du melting pot américain est en pleine ébullition et déborde. Avec un Congrès sclérosé, une magistrature verrouillée et un président débridé, le dessus du poêle de la démocratie américaine n’est pas près d’être nettoyé.

* François Benoit a notamment publié Acceptation globale (Boréal, 1986) et L’affaire Adam et Ève (Boréal, 1989), avec Philippe Chauveau.

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