Certains pays sont en voie de mettre fin à la menace, mais on ne peut en dire autant du Canada

Depuis trois décennies que je travaille dans le domaine de la prévention et du traitement du VIH, je n’ai jamais vu une telle percée. Il ne s’agit ni d’un vaccin ni d’une guérison, mais d’un progrès qui pourrait signifier la fin de l’épidémie de VIH telle que nous la connaissons.

Les faits scientifiques sont simples. Lorsqu’une personne vivant avec le VIH prend ses médicaments comme prescrits de façon continue, le virus peut être supprimé à des niveaux si faibles qu’on ne peut plus le détecter dans des tests sanguins. Et lorsque le virus est indétectable, les médecins et les scientifiques sont d’accord : il est intransmissible. Je réitère : une personne qui suit un traitement efficace contre le VIH ne peut pas transmettre le virus à un partenaire sexuel.

Cela offre des possibilités jadis considérées comme impensables aux couples formés d’un partenaire qui a le VIH et d’un qui ne l’a pas : concevoir et avoir un bébé, et entretenir une relation intime sans crainte de transmission d’un virus.

Tout cela est maintenant possible si une personne vivant avec le VIH a accès à un traitement efficace.

Ces bienfaits, nous en profitons tous, qu’on soit séropositif ou séronégatif. Des projections mathématiques ont démontré que si suffisamment de personnes vivant avec le VIH ont un diagnostic et amorcent un traitement d’ici l’an prochain, les bienfaits préventifs des traitements pourraient mettre fin à l’épidémie de VIH d’ici un peu plus d’une décennie.

C’est une véritable révolution et certains pays l’ont déjà amorcée. Au Royaume-Uni, où l’épidémie de VIH et le système de soins de santé sont semblables aux nôtres, la combinaison des efforts de dépistage et de traitement fait que le pays est à présent sur la voie de mettre fin au VIH comme menace pour la santé publique d’ici 2030. Même des pays à revenu faible ou moyen, comme le Botswana, le Cambodge, l’Eswatini et la Namibie, ont atteint ces cibles mondiales avec une longueur d’avance sur le Canada.

Pourquoi ne donnons-nous pas notre pleine mesure ? En dépit de l’accessibilité et de l’universalité louangées du système canadien de soins de santé, les individus font face à plusieurs obstacles pour avoir un dépistage et commencer un traitement.

Soixante-dix-sept pays dans le monde ont adopté des politiques qui permettent l’autodépistage du VIH, ce qui signifie qu’une personne peut effectuer elle-même son dépistage du VIH, comme pour un test de grossesse à domicile. Mais Santé Canada n’a pas encore approuvé l’autodépistage du VIH.

Au Canada, l’obstacle principal à l’atteinte des cibles mondiales pour éliminer l’épidémie de VIH concerne néanmoins la tâche d’arrimer les personnes qui ont reçu un diagnostic à des services de traitement.

Selon les plus récentes estimations de l’Agence de la santé publique du Canada, 19 % des personnes qui ont reçu un diagnostic d’infection au VIH n’ont pas accès à un traitement. Ces statistiques placent le Canada au dernier rang des pays du G7.

L’accès aux médicaments

Où résident nos différences ? Premièrement, nous sommes le seul pays à revenu élevé au monde qui est doté d’un système public pour les soins de santé, mais qui n’a pas de régime d’assurance médicaments à l’échelle du pays. Au Québec et dans d’autres provinces et territoires, les Canadiens qui n’ont pas d’assurance privée peuvent avoir accès aux médicaments anti-VIH par le truchement d’une mosaïque de régimes publics et de programmes d’aide aux patients. Mais plusieurs régimes publics de médicaments imposent des primes, des franchises et des participations aux coûts. Des études de cas réalisées au Canada ont révélé que ces participations conduisent à une augmentation des ordonnances non remplies, du nombre d’hospitalisations ainsi que des coûts pour le système de soins.

Une expansion de notre système public de soins de santé par l’ajout d’une assurance médicaments à l’échelle du pays simplifierait la couverture du coût des médicaments, rendrait les médicaments d’ordonnance aussi accessibles que les soins de santé publics et offrirait le pouvoir d’achat et l’efficience nécessaires pour minimaliser les frais pour les patients. Quatre provinces et deux territoires du Canada offrent déjà le traitement du VIH sans frais ; et des recherches réalisées en Colombie-Britannique ont démontré que cela permet un rapport coût-efficacité avantageux, grâce aux économies en soins de santé résultant de l’amélioration de la qualité de vie ainsi que de la prévention d’infections futures.

Des pays comme le nôtre — et des pays fort différents — ont mis en place des programmes de traitement gratuit du VIH à l’échelon national et observent déjà un recul considérable du nombre de nouvelles infections au VIH.

Le Canada n’a plus qu’un an pour rattraper son retard sur le reste du monde dans la réponse au VIH, alors qu’attendons-nous ?

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