La semaine dernière, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a tenu d’intéressantes discussions sur l’innovation en santé. L’objectif : réinventer la santé avec l’intelligence artificielle, l’innovation thérapeutique, l’impression 3D et la télésanté. Il est clair qu’un tourbillon d’innovations nous entoure et qu’une révolution cogne à la porte de notre système de santé. Toutefois, une question importante se pose : quelle valeur ajoutée ces innovations technologiques apportent-elles aux patients ?

Un sondage Ipsos effectué au nom de l’AMC l’été dernier apporte des réponses très intéressantes. Il indique que de plus en plus de Canadiens accueillent favorablement la venue de la technologie pour faciliter l’accès à un système de soins de santé qui peine à remplir son mandat. Selon le sondage, près de 7 personnes sur 10 aimeraient avoir des consultations virtuelles avec les médecins et deux sur trois croient que les consultations de santé virtuelles permettraient d’obtenir des soins plus rapidement.

Toutefois, comme médecin, nous avons encore beaucoup à faire pour répondre aux attentes des utilisateurs du système de santé.

Selon une enquête nationale auprès des médecins en 2019, moins d’un médecin sur cinq utilise une interface pour transmettre une prescription au pharmacien, une des tâches les plus fondamentales en médecine.

Et bien que la population soit de plus en plus intéressée par les possibilités que l’intelligence artificielle pourrait offrir d’ici les 10 prochaines années, seulement 1,3 % des médecins affirment avoir incorporé l’intelligence artificielle dans leur pratique en ce moment. Si l’on ajoute à cette donnée l’omniprésence des télécopieurs – le vénérable fax – dans les bureaux de médecins et les établissements de santé, le gouffre technologique semble immense.

Point de rupture en vue

Le système de santé est unique en son genre. Dans un monde où le GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) offre des services que l’utilisateur peut évaluer et même améliorer, le système de santé n’a pas d’expérience en ligne aussi intéressante. Et parce qu’ils sont très connectés, les membres de la génération Google sont de grands consommateurs de soins de santé. Ils consultent un médecin en moyenne 11 fois par année, ce qui représente plus de visites que la moyenne chez les personnes âgées. Nous atteindrons bientôt un point de rupture avec d’un côté une offre traditionnelle pour l’accès aux soins et de l’autre des patients connectés désirant voir leur médecin plus souvent et une population vieillissante avec une espérance de vie qui augmente.

Depuis trop longtemps, la transformation des systèmes de santé se fait majoritairement par une transformation technologique et organisationnelle. Or, il ne faut pas oublier d’apporter un équilibre dans la gestion de ces transformations afin que le patient soit au cœur de la proposition de valeurs.

La technologie est une solution, mais il est impératif d’y incorporer le côté humain et d’en faire un élément indissociable.

Depuis Hippocrate, la relation patient-médecin a toujours été la pierre angulaire de la profession médicale et nous, médecins, devons faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que la compassion et l’écoute demeurent.

La consultation en personne aura toujours sa place et rien ne pourra complètement la remplacer, pas même une conversation sur FaceTime…

Au cours des prochains mois et des prochaines années, beaucoup de changements vont survenir dans le système de santé. Il sera primordial de redéfinir cette nouvelle proposition de valeurs non pas pour le patient, mais avec le patient.

* L’auteur est également fondateur de Solutions Humanitas.

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