George Bush père avait exposé, lors d’une campagne électorale, sa vision d’un réseau social efficace en comptant sur a thousand points of light, des initiatives communautaires qui combleraient les lacunes de l’État, voire remplaceraient des programmes sociaux pour réduire les coûts.

Il errait, à mon avis, dans son objectif de réduire le rôle de l’État. Par contre, la reconnaissance de l’implication de gens bienveillants, de points lumineux qui font des actes au-delà de l’attendu, est ce qui permet de maintenir l’esprit communautaire qui guide les sociétés vers l’épanouissement du bien-être et des droits individuels. 

Il est de mon avis que la plupart des grandes initiatives sociales n’émanent pas de l’État, mais de gens impliqués qui voient plus rapidement les manques et les façons d’y remédier que les observateurs étatiques. Le système fonctionne quand l’un et l’autre interagissent pour générer, intégrer et modifier les gestes de l’État pour aider plus et mieux.

Et les causes ne manquent pas ! On le constate en dénombrant les fondations aux objectifs divers : accès à des soins et recherche en santé, lutte contre l’indigence, soutien des arts, sauvegarde de l’environnement, etc.

De fait, il est difficile de ne pas trouver une cause à soutenir qui correspond à nos valeurs individuelles ou qui touche par son humanité.

Ces causes sont soutenues et défendues grâce au travail acharné de bénévoles du quotidien, mais aussi de porte-étendards acceptant de présenter leur vision, de requérir des fonds et de devenir des agents de changements sociaux. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de présenter un tel exemple d’abnégation* dans La Presse récemment.

Cependant, depuis l’avènement des médias sociaux et concomitamment l’émergence d’un individualisme qui redéfinit durement les droits collectifs, les gens qui font office de modèles sociaux sont devenus des cibles. De fait, et en omettant ici toute référence à la religion, chaque personne ou groupe faisant image est devenue l’objet de commentaires trop souvent destructeurs. Les iconoclastes, pour ainsi dire, qui veulent la disparition des représentations d’un bien qui n’obtient pas leur approbation, se confortent dans leur « droit » de tout critiquer, parfois dans l’abus et ne respectant plus la bienséance la plus élémentaire.

Par contre, diverses personnalités communautaires ont dévié vers des rôles plus visibles, recrutés par des partis politiques ou mouvements qui sont définis par l’art du compromis et le respect de l’autorité du chef et des directives. Généralement, ces gens reconnus pour leur implication sociale avant l’arrivée en politique profitaient d’un capital de sympathie bâti avec des années d’implication. Celui-ci dans la société de l’instantané s’effrite rapidement. Il en est de même pour les groupes qui sont passés d’un rôle de représentation à une activité de lobby ou syndicale qui semble propre à la critique parfois abusive.

Une négociation du dénigrement

Dans cet ordre d’idées, les médecins, particulièrement les spécialistes ces dernières années, font l’objet d’un opprobre malheureusement alimenté par le gouvernement et les politiciens. Cette stratégie de négociation du dénigrement de « l’adversaire » n’aide en rien l’image des politiciens eux-mêmes dont le taux d’approbation publique est des plus bas depuis des années.

Les médecins, spécifiquement dans les centres hospitaliers, œuvrent directement avec les patients, mais sont aussi promoteurs auprès des administrations de projets d’amélioration des soins. Les gouvernements successifs ont déclaré vouloir réduire leur influence sans vraiment définir comment ils comptent remplacer l’activité génératrice des médecins qui œuvrent individuellement à développer le système de santé. Ce faisant, ils ont aussi sapé le désir d’implication et l’engagement de milliers de travailleurs qui tentent de l’améliorer sans objectif de gloire politique.

La récente entente entre la Fédération des médecins spécialistes du Québec et le gouvernement dont les termes ne sont pas connus, en soi, ne rétablira pas le climat nécessaire pour refaire du système de santé un lieu communautaire qui incitera au développement de projets ralliant médecins, administrations, infirmières et autres professionnels de la santé. Il faudra pour cela le retour d’un respect mutuel, la fin de la vision iconoclaste visant à réduire l’image de l’autre.

Il faudra aussi compter sur l’ardeur renouvelée des dirigeants de fondations qui oseront aussi combattre l’apathie publique et les commentaires désobligeants.

Francine Laplante, que j’ai le plaisir de connaître et qui contribue souvent à La Presse, a fait paraître dernièrement un livre intitulé Tatouée sur le cœur et qui témoigne des raisons qui mènent à l’engagement et de ses doutes personnels depuis plus de 20 ans. Elle le fait avec une franchise qui démontre les états d’âme parfois confus de ceux qui aident. Son livre l’a exposée comme jamais, la rendant vulnérable dans ses sentiments et aux commentaires publics.

À l’instar des médecins et autres professionnels et individus qui s’engagent, il est essentiel que notre société protège l’intégrité personnelle de ceux qui prêtent le flanc parce qu’ils sont, comme humains, imparfaits dans leur rôle public d’aidants. Raoul Follereau, grand humaniste et journaliste, a exprimé ceci très simplement en disant : l’important ce n’est pas ce qu’on est, mais ce qu’on offre.

Il serait bien que cette entente récemment conclue soit un moment charnière qui non seulement redéfinisse des masses salariales, mais réitère l’engagement commun à permettre un éclairage de milliers d’étoiles qui campent nos objectifs sociaux. C’est, je crois, le credo de la majorité des médecins.

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