Cela n’a échappé à personne au Québec ces derniers mois : le monde de la presse et des médias est en pleine tempête.

Il n’est guère étonnant de voir la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) se demander ce week-end pourquoi les journalistes sont devenus des « ennemis publics ». Attaqué de toutes parts, ici comme ailleurs, le journalisme est effectivement assailli, mais pas vaincu. C’est notre intime conviction à Reporters sans frontières (RSF).

Comme d’autres, nous déplorons que le désordre informationnel favorise la propagande, la désinformation, le contraire de notre idéal de liberté, d’indépendance et de pluralisme du journalisme.

Mais à quoi sert-il de dénoncer des phénomènes si l’on ne peut pas les endiguer ?

C’est pourquoi nous avons entrepris de traiter des causes, en repartant de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui garantit la liberté d’opinion et d’expression. Comment le mettre en œuvre à l’ère numérique ? C’est la question.

Qui peut voir quoi ? Qui dicte les règles ? Aujourd’hui, des sociétés numériques décident sur la base de leurs propres doctrines. Autrement dit, elles créent les normes, les architectures de choix, de l’espace de l’information et de la communication sans respecter les principes des démocraties. Les plateformes ont désormais le pouvoir des gouvernements ou des Parlements. Que nous leur déléguions une partie de l’espace public, pourquoi pas ? Elles font un travail très utile, mais cela suppose l’obligation de respecter un certain nombre de principes élémentaires dans les démocraties.

C’est précisément ce que le Forum sur l’information et la démocratie, que RSF et ses partenaires viennent de créer à Paris le 12 novembre dernier, se propose de faire en définissant et suggérant les règles de base de l’espace démocratique à l’ère du numérique. Une institution gouvernée par et pour la société civile. 

Aujourd’hui, face aux géants de la Toile, au-delà des questions économiques certes cruciales, mais surmontables, comme l’ont prouvé récemment les acteurs québécois avec beaucoup d’agilité et de créativité, l’enjeu est avant tout politique.

En travaillant à la création d’un tel forum, qui aura pour vocation de favoriser une régulation pertinente dans une logique multipartite, nous façonnons des solutions pour demain. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais avec cette initiative et l’engagement d’une trentaine d’États dont le Canada, nous posons-là les fondements de garanties pour la liberté d’opinion et d’expression, condition sine qua non de la démocratie.

Bien entendu, tous les dirigeants de la planète ne nous soutiendront pas. Mais faut-il rester les bras croisés pour autant ? À RSF, nous croyons à la volonté politique et cette volonté doit être mise en œuvre sans tarder. La démocratie, comme le journalisme, est un ensemble de principes que nous devons sécuriser pour le bien commun de toutes et de tous. Et résister aux modèles despotiques suppose aujourd’hui de défendre les espaces démocratiques.

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