Ce qui manque aux enseignantes, c’est la vocation. C’est bien connu.
Chaque fois qu’elles font des demandes, on sort les mêmes idées pour améliorer cette vocation : évaluer les enseignantes au moyen d’un ordre professionnel, améliorer la performance scolaire et les connaissances en français des futures enseignantes et obliger les enseignantes d’expérience à rester dans les milieux plus difficiles. Il faut brasser ces paresseuses surprotégées par leur syndicat pour les obliger à performer. Dans le fond, les problèmes du milieu scolaire sont attribuables au manque de vocation des enseignantes d’aujourd’hui. Enfin, c’est ce qu’on dit.

La vocation, c’est une qualité intangible qu’on mesure par son absence. Elle peut pallier tous les problèmes du réseau à coup de baguette magique. Pas assez de spécialistes ? Avec la vocation, on passe par-dessus. Écoles négligées pendant des décennies ? Pas grave, un peu de vocation, et le tour est joué. Manque de soutien et de reconnaissance ? Ah, mais la vocation contrebalance. Dans le fond, c’est la faute des enseignantes. Si seulement elles travaillaient bien. C’est pratique, comme justification. Ça permet de dédouaner ceux qui diminuent les ressources. Ça permet de dire des trucs comme « les coupes n’affecteront pas les services à la population » sans assumer sa responsabilité.

Un ordre professionnel permettra d’évaluer les enseignantes. C’est vrai, mais dans quel but ? Une évaluation efficace sert à déterminer les faiblesses d’un employé dans le but de lui offrir le soutien nécessaire pour qu’il s’améliore. Ces faiblesses sont-elles si mystérieuses ? Les enseignantes en parlent depuis longtemps. Elles réclament les moyens de pallier ces failles depuis des décennies. Il n’y a pas de mystère ici. À quoi diantre serviraient ces évaluations si on refuse de donner le soutien nécessaire aux améliorations souhaitées ? J’avoue ne pas comprendre.

Imaginez que votre patron vous donne une surcharge de travail et diminue le soutien et les outils dont vous avez besoin pour faire ce travail. Croyez-vous qu’ajouter des évaluations vous aidera ?

Ou croyez-vous que ça ne fera qu’ajouter du stress à une situation déjà stressante ? C’est vrai, certains carburent à la pression. Mais veut-on vraiment pressuriser celles qui s’occupent de nos enfants ? Poser la question, c’est y répondre.

On parle aussi d’augmenter la cote R des candidates au bac en enseignement. De leur donner plus de cours de grammaire. D’augmenter la formation continue. Mais ça va changer quoi ? À quoi sert une meilleure connaissance du français quand le problème concerne le temps perdu à faire de la gestion de classe ? En quoi cela aidera-t-il à donner l’accompagnement individualisé dont ont besoin les élèves en difficultés ? Mystère.

On remarque que les postes les plus difficiles sont souvent confiés aux débutantes. Leurs consœurs ayant de l’ancienneté quittent parfois ces postes plus ingrats pour aller vers des affectations plus « faciles ». Entre guillemets, car enseigner n’est pas facile.

À première vue, la solution est simple. Obligeons les enseignantes d’expérience à prendre les postes plus exigeants. Voilà. Problème réglé.

C’est facile, la vie, quand on ne fait que jeter un coup d’œil superficiel au problème. Mais qu’arriverait-il si on obligeait les enseignantes d’expérience à rester dans les postes plus difficiles sans leur offrir le soutien dont elles ont besoin ?

Enrayer ou encourager les départs ?

On sait déjà que le tiers des enseignantes quittent la profession durant leurs cinq premières années. Elles ne cachent pas leurs raisons. Épuisement professionnel. Manque de soutien. Manque de ressources. C’est vrai qu’on devrait donner les tâches plus ardues aux gens d’expérience. Mais tant qu’on ne fait rien pour régler les causes du problème, qu’est-ce qui va changer ? Celles qui n’en peuvent plus continueront de partir. Mais puisque le choix d’une tâche moins éprouvante ne sera plus possible, elles quitteront la profession.

Pourtant, chacune de ces idées a du bon. Évaluer les enseignantes permettrait de cibler le soutien à leur donner. La formation continue leur permettrait de bonifier leur pratique. Et l’expérience leur permettrait de mieux utiliser les moyens mis à leur disposition pour aider les élèves ayant davantage de besoins. Mais sans soutien, elles ne servent à rien. Sauf à faire porter la responsabilité des failles du système sur celles qu’on dit vouloir aider.

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