La résurgence du Bloc québécois crée une préoccupation réelle pour l’unité nationale – mais pas pour la raison que la plupart des gens pensent.

Bien que les idées de séparation et de souveraineté aient été présentes pendant la campagne, elles étaient rarement au premier plan et elles ne sont pas ce qui a permis au Bloc de tripler ses sièges. La perte d’appuis du NPD a été un facteur, mais c’est le fait que Yves-François Blanchet a rappelé aux Québécois l’importance d’avoir une voix forte à Ottawa qui a été l’élément clé.

Le véritable danger pour l’unité du Canada que représente la résurgence du Bloc québécois ne réside pas au Québec. C’est plutôt la façon dont ce succès alimentera – et alimente déjà – l’idée de la séparation d’une partie de l’Ouest.

À tout le moins, le succès du Bloc va nourrir l’idée que les défis qui importent dans l’ouest, en particulier en Alberta et en Saskatchewan, ne sont pas entendus et encore moins inclus dans le processus décisionnel d’Ottawa. Dans l’Ouest, beaucoup de gens voient avec envie et frustration le passé et l’avenir probable du Bloc québécois comme des réussites qui ont forcé la négociation des questions québécoises à Ottawa.

L’unité nationale est une responsabilité clé pour tout premier ministre du Canada. Les résultats des élections, tant dans l’Ouest qu’au Québec, sont une bonne indication que le problème ne fait qu’empirer et empirer. Justin Trudeau doit maintenant redoubler d’efforts à cet égard. Dans un discours de victoire oublié dès le lendemain, deux petites phrases ne suffiront pas.

« Trouver » quelqu’un de l’Alberta ou de la Saskatchewan à nommer au Sénat pour ensuite le nommer au Conseil de ministres peut sembler être une solution – comme l’ancien premier ministre Stephen Harper l’a fait, il n’y a pas si longtemps, avec Michael Fortier. Mais cela ne réglerait pas les principaux problèmes de l’Ouest si ce n’est que de la poudre aux yeux. 

Soyons honnêtes, le fait d’avoir eu quelques ministres provenant de l’Ouest au cours des quatre dernières années n’a pas fait beaucoup de différence. Pourquoi cela changerait-il ? Une voix symbolique à Ottawa ne serait pas pertinente – pire, elle serait perçue comme inutile.

C’est plutôt le mandat du premier ministre du pays. D’abord et avant tout, il doit reconnaître que l’approche de son gouvernement en matière de ressources, en particulier le pétrole et le gaz, a joué un rôle fondamental dans la montée de l’aliénation de l’Ouest.

Cela n’a pas aidé quand le premier ministre s’est vanté que le Parti libéral était le plus efficace pour « lutter contre l’industrie pétrolière » et pour « combattre » certains premiers ministres de l’Ouest.

Cela n’a pas aidé quand les principaux ministres s’exprimaient de façon équivoque au sujet des oléoducs et de l’industrie pétrolière et gazière – certains parmi eux donnant l’impression claire qu’ils veulent « laisser le pétrole dans le sol ».

Ça doit changer. En 2015, nous avons entendu beaucoup de discours comprenant le mot « ET » – qu’il est important et possible d’avoir, en même temps, la prospérité économique ET une conscience environnementale. Mais depuis 2015, le premier ministre, ses principaux conseillers au Bureau du premier ministre et des membres clés de son Conseil des ministres se sont concentrés presque entièrement sur la responsabilité environnementale. La prospérité économique, en particulier de l’Ouest canadien, semble avoir été oubliée.

Le premier ministre doit préciser qu’il est encore une fois concentré sur le « ET » – et il doit s’assurer que tous ses ministres clés font de même, peu importe qu’ils soient de l’Ouest ou non. L’Ouest doit savoir que le premier ministre et les ministres des Finances, des Ressources naturelles et de l’Environnement le comprennent et agissent en conséquence. L’ouest du Canada surveillera de près – le premier ministre doit en faire sa priorité dans l’intérêt du pays.

Un mot pour M. Blanchet : félicitations. Et, s’il vous plaît, quand vous exercerez votre voix pour le Québec, durement gagnée et remise à jour, rendez-nous service en rappelant à ceux à qui vous parlez que les questions de l’Ouest doivent aussi être entendues. Pour l’instant, nous sommes tous ensemble dans cette fédération.

* Martha Hall Findlay est présidente et chef de la direction de la Canada West Foundation et une ancienne députée libérale fédérale.

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