Quelle que soit sa performance finale en termes de sièges et de suffrage populaire, la résurrection d’un Bloc québécois que la plupart des observateurs avaient enterré restera l’un des événements marquants de la campagne électorale fédérale qui s’achève.

A pesé dans l’affaire la personnalité du nouveau chef bloquiste, Yves-François Blanchet, qui a redonné une deuxième jeunesse à sa formation politique.

La loi sur la laïcité

Même s’il a joué un moment avec le feu avec son rappel que la souveraineté restait l’âme et l’ADN du Bloc, M. Blanchet n’a mis aucunement l’accent là-dessus, la souveraineté restant pour l’heure à mille lieues des préoccupations québécoises dans un contexte mondial se prêtant peu à l’affaire.

Dans cette campagne, le Bloc s’avère plutôt le véhicule objectif de cette incontournable et puissante réalité que le Québec constitue une société distincte au sein du Canada.

Au-delà de l’étoile pâlissante de Justin Trudeau et de la performance médiocre d’Andrew Scheer, un enjeu étroitement lié à l’identité québécoise a aidé le Bloc dans cette affaire. Il s’agit bien évidemment de la loi sur la laïcité du gouvernement caquiste de François Legault sur lequel M. Blanchet s’est aligné.

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet,
hier à Belœil

À l’exception de Maxime Bernier, les politiciens fédéraux n’ont pas caché en effet leur souhait de voir invalidée par la Cour suprême du Canada une législation largement appuyée par les Québécois.

Cet appui n’a rien d’étonnant pour qui est conscient de ce qu’a représenté la Révolution tranquille des années 60 pour notre société et notre identité, la loi sur la laïcité étant adoptée en vertu des compétences constitutionnelles exclusivement dévolues au Québec depuis 1867.

Robert Bourassa

Une souveraineté qui n’est pas sur l’écran radar ; un nouveau chef pour le Bloc ; une performance moyenne des autres leaders ; une loi sur la laïcité associée à l’identité et au pouvoir québécois.

Plus l’éléphant dans la pièce : cette société distincte dont plus personne ne parle, mais à laquelle il va falloir s’intéresser à nouveau si l’on veut se remettre à exercer du pouvoir comme Québécois au Canada. Le montre bien cette campagne électorale où le Québec a repris l’offensive.

Rappelons que, plus actuelle que jamais, la société distincte est le legs du premier ministre Robert Bourassa, dont la proclamation historique du 22 juin 1990 reste gravée sur son monument à l’Assemblée nationale à Québec : « Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte libre et capable d’assumer son destin et son développement. »

Efficace moyen de défense

C’est la société distincte et non la nation qui s’avère efficace dans le contexte canadien pour défendre des dossiers liés à l’identité québécoise comme la loi sur la laïcité.

Ce qui est fondamentalement en jeu dans cette dernière, c’est en effet l’existence d’une société distincte québécoise au sein du Canada avec sa vision, ses valeurs et son bon sens à elle.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

« La résurrection du Bloc québécois restera l’un des événements marquants de la campagne électorale », selon notre collaborateur.

De façon révélatrice, lors du débat en anglais de la semaine dernière, l’incapacité d’Yves-François Blanchet à invoquer cette société distincte pourtant à la source de la résurgence du Bloc l’a handicapé dans sa défense de la loi sur la laïcité, le réduisant à se lamenter du non-respect de la nation québécoise et des taxes québécoises détournées par Ottawa pour contester cette loi.

L’invocation du fait que le Québec constitue une société distincte au sein du Canada apparaît le moyen le plus efficace de défendre une majorité francophone de plus en plus rabaissée au pays pour le seul motif qu’elle veut rester ce qu’elle est.

Société distincte ET nation

Une société distincte peut accéder à l’indépendance si elle le désire vraiment. Elle n’est pas incompatible non plus avec le fait que le Québec constitue une nation, cette dernière n’étant pas porteuse en elle-même de pouvoir québécois dans le contexte canadien.

Car des nations au pays, il en existe des dizaines d’autres : les nations autochtones. Des provinces, il y en a dix. Des spécificités identitaires, le Canada en accouche pratiquement d’une nouvelle tous les mois, sacro-sainte diversité oblige…

Mais il n’y a qu’une seule société distincte québécoise au Canada, à la fois réalité incontestable et efficace cadre institutionnel générateur de pouvoir pour la majorité francophone québécoise.

Qui propose mieux ?

On ose espérer que le chef du Bloc s’aventurera à prononcer bientôt ces mots « société distincte » qui sont à la base du retour en force de son parti. Quant à eux, les libéraux québécois abandonneront-ils pour de bon ce puissant concept hérité de leur leader historique Robert Bourassa ?

Il est à souhaiter surtout que le gouvernement de François Legault fasse du fait que le Québec constitue une société distincte au sein du Canada sa première revendication constitutionnelle, de façon à freiner les effets de plus en plus dévastateurs sur l’identité québécoise d’un multiculturalisme devenu sans limites.

Le Canada comme le Québec y gagneraient.

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