Au XVIIe siècle, nombreux étaient les scientifiques et les fins observateurs, alliant crédibilité perceptuelle et rhétorique, qui discréditaient les tenants de l’idée que la Terre était ronde.

À leur décharge, ces partisans d’une vérité confortable, qui avait toujours prévalu, suivaient le courant et s’appuyaient sur des références bien ancrées. 

Au Québec, en 2019, notre rapport à la coupe de bois et à l’aménagement de la forêt est encore animé par certaines images fortes. Nous avons d’ailleurs pu le constater cette semaine à voir le cynisme avec lequel certains ont réagi à la volonté du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, de couper plus d’arbres pour réduire les émissions mondiales de GES. 

Comme entreprise qui coupe des arbres et les valorise à partir de Chibougamau, Landrienne et Montréal, nous sommes surpris toutes les semaines : des « early adopters » en matière d’environnement de Californie, du Colorado, de l’Alabama ou d’Europe nous sollicitent.

En effet, ceux-ci ont besoin des produits issus de la forêt québécoise pour matérialiser leurs ambitions de lutte contre les changements climatiques. Ils font fi de perceptions du siècle dernier ; des analyses de cycle de vie, la science mondiale et la rigueur de leurs ambitions de réduction de l’empreinte environnementale les poussent à vouloir plus de produits issus des arbres qu’on coupe ici, au Québec. 

Consensus scientifique

Cette semaine, alors qu’on avait cette discussion, des délégués de 20 pays se réunissaient à Québec pour le congrès international Wood Rise. Au même moment où l’on repoussait avec dérision et confiance l’idée du ministre Dufour, des experts mondiaux, dont l’architecte britannique Anthony Thistleton, lançaient un appel pour plus de construction en bois et clamaient que les produits du bois contribueraient à sauver la planète. 

Maintenant, la clé est dans la manière de couper ces arbres, et si rien n’est jamais parfait, le régime forestier québécois est reconnu sur la planète comme l’un des plus intègres et rigoureux pour la biodiversité et les écosystèmes.

Quant à la quantité de bois à récolter, ramenons la réflexion à plus petite échelle. 

J’ai abordé le sujet avec mes enfants dont les repères du 450 se réconciliaient mal avec l’idée de « tuer » plus d’arbres. Une métaphore agricole s’est avérée utile : une famille qui mange 10 tomates en moyenne par semaine peut aménager un potager qui lui produira ces 10 tomates hebdomadaires. Si, une semaine donnée, le potager génère 12 tomates mûres, est-il préférable de laisser pourrir sur le plant les deux additionnelles, ou les valoriser dans une recette nouvelle ou en les offrant au voisin ? La réponse est évidente. Et si le besoin change et qu’on veut plus de tomates pour manger moins de légumes plus polluants, on a aussi l’option d’ajouter des plants. 

En substance et à l’échelle forestière, c’est ce que nous retenons du propos du ministre Dufour cette semaine. Et c’est aussi en parfaite symbiose avec moult recherches à l’Université Laval, à Chicoutimi, mais aussi en Europe et à l’ONU. Ça commence à ressembler à un consensus scientifique mondial trop peu connu ici. Le Québec, avec sa forêt et l’urgence climatique, est un peu comme un Obélix complexé qui ignore encore tout de son potentiel. 

À défaut de l’idéal qui serait de ne plus consommer du tout, nous devons remplacer des produits tirés des hydrocarbures (en énergie, en emballage, notamment le plastique à usage unique), de l’acier et du béton, par des produits qui demeureront toujours imparfaits, mais qui sont beaucoup moins polluants. À la différence de ces derniers matériaux, les arbres sont renouvelables, recyclables, biodégradables et beaucoup moins énergivores à transformer. 

Enfin, rappelons que notre secteur industriel est « non seulement central à la santé économique actuelle du Québec et de plusieurs de ses régions, mais aussi un secteur d’avenir dans une économie qui doit devenir plus écologique ». Ça, c’est Québec solidaire qui le relevait le 28 avril 2017. Tout comme la Terre n’est pas plate, couper plus d’arbres – avec rigueur – peut avoir du sens quand on se donne la peine de s’y attarder.

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