Il faut admirer Greta Thunberg — même si on la trouve un peu frustrante.

On comprend sa préoccupation, et le monde a besoin de plus de passion comme ça partout – pas seulement pour l’environnement et les changements climatiques, mais pour protéger les droits et libertés de la personne, pour réduire la pauvreté et la maladie dans le monde, pour assurer la salubrité de l’eau pour tous, pour prévenir la guerre et promouvoir la paix. Peut-être que certains de ces défis mondiaux ont besoin de leur propre Greta Thunberg. Mais c’est une chose de se plaindre et de manifester contre l’inaction. Cela est admirable en soi. Mais il est beaucoup plus difficile de trouver des solutions réelles et pratiques.

À cet égard, j’aimerais donner un conseil à Mme Thunberg : ne vous concentrez pas sur les politiciens. Vous avez vous-même reconnu leur incapacité à agir aussi fermement que vous l’auriez souhaité. Beaucoup des promesses déjà faites pendant les présentes élections fédérales au Canada sont irréalistes — et les politiciens qui les font, peu importe leur allégeance politique, savent déjà qu’ils ne peuvent pas tenir la plupart d’entre elles.

C’est frustrant, mais malgré toutes vos exhortations et toutes les personnes qui manifestent, les politiciens ne feront pas ou ne pourront pas faire ce que vous leur demandez.

Ceux qui sont élus démocratiquement ont de nombreuses responsabilités concurrentes. Oui, on veut qu’ils s’attaquent aux changements climatiques, mais ils doivent aussi s’assurer qu’il y a des emplois, que les gens ont des revenus, de la nourriture et des maisons chauffées, qu’il y a des soins de santé, des écoles, et — en général — la prospérité économique. Ce sont toutes des choses auxquelles nous nous attendons. Et malgré nos souhaits, il serait impossible que toutes ces choses, dont on a besoin, ne soient alimentées que par des sources d’énergie renouvelables — pas à moyen terme, et encore moins demain.

Imaginez que le prochain gouvernement fédéral décrète, immédiatement après les élections, ou même dans six mois ou six ans, que le Canada doit cesser de produire et d’importer du pétrole. Non seulement des centaines de milliers d’emplois seraient perdus dans l’ouest du Canada, mais tous les emplois liés aux raffineries de Montréal et de Lévis seraient perdus aussi. La circulation à Montréal tomberait à presque rien — quelques Tesla que seuls les riches ont pu se permettre. Hors des villes dotées de transports en commun, pratiquement personne ne pourrait aller nulle part — à l’hôpital, au travail, à l’école. Il y aurait un chaos économique, et les gens se révolteraient — ces politiciens ne seraient pas au pouvoir longtemps. Qu’on le veuille ou non, les politiciens répondent à ce que les gens veulent.

Changer nos comportements

Par conséquent, le premier appel à l’action doit être que nous, les gens, devons changer nos propres comportements de consommation d’énergie de façon spectaculaire. Les changements climatiques sont réels, et nous devons agir – mais (de toute évidence) nous ne pouvons pas attendre que les politiciens nous forcent à réduire les émissions de GES, l’utilisation de l’eau, etc. 

Nous — en tant que clients, en tant que consommateurs, en tant que personnes qui façonnent l’opinion publique — avons un immense pouvoir pour façonner l’avenir.

Imaginez si les 500 000 personnes qui ont récemment défilé à Montréal — toutes — refusaient d’acheter une nouvelle voiture à moins qu’elle ne soit beaucoup plus efficace que ce qui est disponible aujourd’hui. Les entreprises automobiles feraient beaucoup plus.

Si ces 500 000 personnes refusaient d’acheter un café dans une chaîne de restaurants à moins que tous les bâtiments de la chaîne n’aient des émissions nettes nulles, cette chaîne commencerait immédiatement à apporter des améliorations majeures à l’efficacité énergétique de ses bâtiments. Si toutes ces 500 000 personnes qui ont un toit — toutes — insistaient pour installer des panneaux solaires, les distributeurs d’énergie feraient des pieds et des mains pour rendre les panneaux disponibles. Non seulement chacune de ces familles produirait moins d’émissions de GES, mais cela créerait un cercle vertueux de demande accrue, ce qui encouragerait une plus grande offre, ce qui mènerait à de plus grandes économies d’échelle, ce qui réduirait les coûts, ce qui encouragerait une plus grande demande.

Il y en a, parmi ceux qui ont défilé avec Mme Thunberg, qui essaient déjà de faire ces choix — mais 500 000 à la fois, dans une ville ? Imaginez tous les gens qui ont manifesté dans toutes les villes du monde. Ces chiffres sont — peuvent être — puissants. Chère Mme Thunberg, c’est maintenant l’occasion de mobiliser le soutien de toutes ces personnes d’une manière un peu différente. Non seulement pour faire une déclaration, mais aussi pour passer à l’action.

* Martha Hall Findlay est présidente et chef de la direction de la Canada West Foundation et ancienne députée libérale fédérale.

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