Le défi de l’action climatique peut souvent être décourageant – tant on a l’impression qu’il faudrait en faire plus.

Il faut cependant être plus nuancé et bien comprendre les dynamiques. La situation est très différente entre les provinces et entre les secteurs. Il y a beaucoup d’aspects positifs, mais aussi une leçon à tirer, pour nous Québécois. Le manque d’action ne vient peut-être pas de là où on pense, surtout lorsqu’on constate la mobilisation populaire.

La moitié des provinces canadiennes ont des émissions en baisse

Si les émissions du Canada sont en hausse de 19 % entre 1990 et 2017, cela est simplement dû à la croissance des émissions dans l’Ouest canadien : du Manitoba à la Colombie-Britannique, les émissions ont augmenté entre 18 et 75 % selon les provinces, essentiellement à cause de la production de pétrole, de gaz naturel et du secteur des transports. Dans les provinces de l’Est, de l’Ontario jusqu’en Nouvelle-Écosse, les émissions ont baissé de 12 % sauf à Terre-Neuve-et-Labrador, où elles ont augmenté à cause de la production de pétrole. Au Québec, les émissions ont diminué de 9 %.

Leçon à tirer n1 : si ce n’était de la production d’hydrocarbures au Canada, les émissions seraient en déclin.

Les émissions industrielles sont en baisse

À part l’industrie des hydrocarbures, le secteur industriel a réduit ses émissions partout au Canada et au Québec en particulier. Depuis 1990, les mines, les industries manufacturières, les alumineries, le secteur des pâtes et papiers et l’industrie du ciment et de l’acier connaissent des réductions d’émissions de GES. Au Québec, c’est une diminution de l’ordre de 37 % ! Bien qu’il y ait eu certaines fermetures, l’essentiel des gains a été réalisé par une plus grande efficacité énergétique et de nouveaux procédés moins émetteurs.

Leçon à tirer n2 : les grandes industries fournissent leur part d’efforts dans la lutte contre les émissions de GES. Pas par altruisme ou conscience climatique plus aiguisée, mais parce qu’elles y trouvent leur compte.

Au Québec, le gouvernement agit réellement

S’il est vrai que beaucoup de gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités sur les enjeux climatiques, celui du Québec a agi de manière très concrète. Depuis 2013, le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE ou marché du carbone) établit un budget carbone pour le Québec.

Ce budget est de plus en plus petit au fil des années, exactement comme le prescrivent les recommandations du GIEC. Ce budget est contraignant et nous fait payer pour nos émissions de GES. Dans les années à venir, nous allons d’ailleurs payer de plus en plus pour émettre une tonne de CO2… pollueurs, préparez-vous à sortir votre portefeuille, le gouvernement québécois a pensé à vous !

Leçon à tirer n3 : tous les gouvernements ne sont pas irresponsables. Au Québec, le budget carbone que nous avons est un mécanisme contraignant qui est en place depuis 2013.

Où les émissions sont-elles en croissance ?

Pourquoi les émissions québécoises n’ont-elles fondu que de 9 % si les émissions des industries ont diminué de 37 % ? C’est très simple : nos émissions en transport routier (+ 50 %) et en agriculture (+ 16 %) ont augmenté. 

Une grande partie des réductions d’émissions de GES au Québec ont donc été annulées par nos propres choix. L’engouement sans précédent des Québécois (et des Nord-Américains) pour les camions légers (VUS et pick-up) et notre alimentation très friande de protéines animales (viandes et produits laitiers) font en sorte qu’au lieu d’atteindre nos cibles de réduction de 2020, nous allons les rater.

Leçon à tirer n4 : le Québec va rater ses cibles de réduction de GES pour 2020 ni à cause de l’industrie ni à cause du gouvernement, mais parce que les Québécois ont massivement acheté plus de véhicules, et des véhicules plus gros, tout en maintenant une alimentation très axée sur les protéines animales.

La lutte contre les changements climatiques ne va pas si mal au Canada et au Québec. Mais elle fait face à un gros obstacle : les choix collectifs et individuels en transport et en alimentation.

S’il est évident que les gouvernements devraient faire davantage pour transformer ces choix, il faut comprendre qu’ultimement, ce sont nos habitudes qu’il va falloir changer. Le lobby de l’inertie n’est pas très visible, mais il est bien ancré en chacun de nous.

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