Éric Duhaime répond à la chronique d’Isabelle Hachey, « Le paradoxe de la tolérance », publiée hier.

Isabelle Hachey a cru bon d’écrire, hier, une chronique au sujet de mon arrivée dans les pages d’Urbania.

Elle salue d’abord la volonté du fondateur du magazine, Philippe Lamarre, et la mienne de bâtir des ponts entre gens qui pensent différemment, d’offrir un espace pour débattre et mieux se comprendre.

Madame Hachey se demande cependant si je suis le bon porte-parole de la droite. Elle craint la tolérance de l’intolérance. Et pour démontrer ma mauvaise foi et mon intolérance, elle se met à citer, encore une fois, des citations hors contexte fournies par des humoristes de Radio-Canada et de L’actualité. Décevant de la part d’une grande journaliste d’enquête que de se servir des humoristes de gauche comme recherchistes…

Madame Hachey, j’ai un micro sous le nez plus de quatre heures tous les jours, depuis près d’une décennie. J’ai le souci d’inviter quasi quotidiennement à mon émission des gens comme vous pour exprimer leur point de vue et débattre.

Pratiquement toutes les grandes personnalités de la gauche québécoise ont été invitées et l’écrasante majorité a accepté de venir échanger. Mon objectif premier n’est pas de gagner un débat ou de planter un gauchiste, mais plutôt d’offrir à mon auditoire tous les angles sur un enjeu de société afin qu’il se fasse sa propre opinion. Mes questions sont parfois vaches. Mes attaques, sévères. Mon ton, agressif. Mes structures de phrases, quelquefois boiteuses. Je m’en confesse. Mais j’espère toujours faire mon travail dans le respect élémentaire de l’individu devant moi ou au bout du fil.

Vous ramenez sur le tapis ma désormais célèbre phrase « Mieux vaut de la mauvaise information que pas d’information pantoute ». Vous souvenez-vous de la soirée de la tragédie à la mosquée de Québec en janvier 2017 ? Dans les heures qui ont suivi, pratiquement tous les médias québécois ont relayé une information selon laquelle il s’agissait de l’acte d’au moins deux individus. Cette information s’est révélée fausse le lendemain matin lorsque les policiers ont tenu un point de presse et expliqué l’imbroglio. 

Valait-il mieux qu’on ne diffuse aucune information au sujet de cette tuerie avant ce point de presse ou qu’on garde sous silence l’hypothèse des deux tueurs ? Évidemment, non. Il valait beaucoup mieux informer les gens de ce qui se passait à la mosquée de la capitale même si l’information n’était pas tout à fait exacte.

Parlant de cette mosquée, quelques mois plus tôt, une tête de porc avait été déposée devant la porte. J’ai effectivement dit qu’il s’agissait « d’une joke niaiseuse ». Savez-vous pourquoi et dans quel contexte ? Je réagissais alors à un geste haineux. En fait, une des plus importantes tueries de masse était survenue quelques jours plus tôt au bar Pulse à Orlando, en Floride, où une cinquantaine de gais avaient été sauvagement abattus par l’islamiste Omar Mateen. Je trouvais odieux que certains médias portent plus d’attention à une tête de porc laissée devant une mosquée qu’à un attentat terroriste survenu quelques heures plus tôt.

Dans sa litanie pour écorcher ma crédibilité, Mme Hachey ajoute que j’ai laissé entendre que les victimes de viol l’avaient un peu cherché. Je commentais alors le discours de deux féministes qui, en plein #metoo, définissaient la culture du viol et abordaient la question des portes barrées. Je disais et je crois toujours que le fait de ne pas barrer ses portes n’a rien à voir avec une culture du viol. Des propos repris de manière plus éloquente par sa collègue Lysiane Gagnon dans La Presse et Denise Bombardier dans Le Journal de Montréal.

Je n’en veux pas à Mme Hachey. Elle ne répète que la vieille ritournelle de la gauche montréalaise. Elle ne le fait pas de mauvaise foi.

Trop peu souvent confrontée à des opinions contraires, elle en est probablement venue à la conclusion de la supériorité de ses idées et croit donc que ceux qui pensent différemment doivent forcément se baser sur de fausses informations.

En fin de compte, le texte de Mme Hachey démontre l’urgence de sortir de nos vases clos idéologiques respectifs et d’échanger sur la place publique.

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