En 20 ans sur le terrain, j’ai surtout dirigé des écoles montréalaises en milieux défavorisés avec une forte population de nouveaux arrivants. Le succès migratoire de ces personnes venues d’ailleurs passe impérativement par le succès de leurs enfants à l’école. Ils ont confiance en l’institution scolaire pour intégrer et scolariser leurs enfants, qui nous arrivent souvent parlant une autre langue que le français, et sans avoir fréquenté la garderie ou le CPE.

Pourquoi à temps plein ?

Nous avons expérimenté la maternelle 4 ans à temps partiel, une formule où l’enseignante reçoit un groupe de 15 enfants le matin et un autre de 15 enfants l’après-midi. Même si les enseignantes font un travail formidable qui souvent fait la différence dans le parcours de leurs élèves, le temps partiel est loin d’être optimal. Dans ce modèle, le plus jeune élève de l’école est en contact avec le plus grand nombre d’adultes, jusqu’à cinq, dans une même journée… Les observations quotidiennes sur l’enfant peuvent plus facilement se perdre et son portrait comportemental ne pas être bien suivi.

Le récent programme de maternelle 4 ans à temps plein permet à l’enseignante de suivre une moyenne de 14 élèves, d’offrir à tous des chances égales, de s’assurer que chaque enfant se développe dans tous les domaines, qu’il cultive sa confiance et le plaisir d’apprendre.

Il permet à l’école de prendre les dispositions pour que l’enfant et sa famille s’y sentent à l’aise et bien accueillis.

Intégrer l’école à temps plein à 4 ans permet aussi de bénéficier du soutien de professionnels qui suivent l’enfant tout au long de son parcours scolaire jusqu’à 12 ans et de l’expertise d’une enseignante qui compte quatre ans de formation universitaire pour appuyer ses observations, ses choix d’activités, ses évaluations formatives et ses interventions auprès des parents.

La pénurie d’enseignants n’est pas un argument valable

Le Québec doit comme société valoriser la profession enseignante et celle de tous les intervenants en éducation, dont les techniciennes en éducation spécialisée (TES), les psychoéducatrices, les orthophonistes, les conseillers pédagogiques, les essentiels membres du personnel de soutien et les directeurs d’école, leurs adjoints et les gestionnaires administratifs ! Il faut d’ailleurs se réjouir que les universités connaissent une augmentation du nombre de postulants en éducation.

Intervenir tôt, un incontournable !

Pour les enfants qui passent par la maternelle 4 ans, la différence se voit dès l’entrée en première année. L’école connaît alors déjà ceux qui ont des défis et peut les accompagner dès le premier mois de l’année au lieu d’attendre à Noël pour identifier le besoin.

Cet écart de trois ou quatre mois fait une grande différence dans le cheminement scolaire, dans l’estime de soi des élèves, dans la réussite scolaire.

Un enfant qui a des difficultés de lecture à la fin de sa troisième année du primaire est à risque de décrochage en troisième secondaire. C’est connu !

Et, nous le savons, le décrochage comporte un coût économique et social, individuel et collectif, trop important pour qu’on ne s’attaque pas à ses causes. L’implantation de la maternelle 4 ans à temps plein coûtera cher ! Oui ! Mais à la lumière des projets pilotes que nous avons menés, le jeu en vaut la chandelle.

À Montréal, il faudra investir dans les infrastructures

Ce n’est pas le cas partout au Québec, mais à Montréal, plusieurs écoles n’ont pas l’espace suffisant pour ouvrir de nouvelles classes de maternelle 4 ans à temps plein. L’investissement dans les infrastructures qui est actuellement très grand, à la hauteur du désamour qu’a subi le réseau de l’éducation depuis trop longtemps, devra donc se poursuivre, voire s’accélérer. Car il ne serait pas acceptable de priver les élèves d’un local de musique ou d’une bibliothèque pour loger les nouvelles classes. Une école, une classe, un gymnase, ça sert à plusieurs générations. Saluons l’engagement du gouvernement d’investir massivement en éducation.

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