Marie, 11 ans, est en panique. Du haut de sa civière, elle balaie son environnement des yeux à la recherche de ses parents. Tout s’est déroulé très vite pour elle.

Une promenade banale en vélo. Un arrêt abrupt, dicté par le choc de sa tête contre le capot d’un véhicule. Et ce réveil, seule dans l’ambulance qui file à toute allure vers l’Hôpital de Montréal pour enfants. Sa famille est en route, ayant reçu l’appel que tout parent redoute : votre fille est transportée d’urgence à l’hôpital.

À la suite à son traumatisme en vélo, Marie a souffert d’une fracture au visage, ainsi que d’un traumatisme cranio-cérébral, deux blessures potentiellement évitables par le simple port du casque. Si Marie avait l’habitude de respecter les directives de ses parents voulant qu’une balade à vélo aille de paire avec le port du casque, ce jour-là, ravie par ses nouvelles tresses, elle a fait primer son désir de coquetterie sur l’enjeu de la sécurité, laissant ainsi son casque à la maison.

Une nouvelle étude dirigée par notre équipe à l’Hôpital de Montréal pour enfant, en collaboration avec les hôpitaux de chacune des facultés de médecine du Québec, nous informe que l’histoire vécue par Marie et sa famille n’est malheureusement pas un cas isolé. À Montréal seulement, c’est en moyenne plus de 450 enfants par année qui consultent dans les urgences pédiatriques à la suite d’une collision à vélo. Pour la première fois, nous apprenons également que près de la moitié de ces enfants ne portaient pas de casque au moment de leur traumatisme, un chiffre à la fois surprenant et inquiétant.

La question du port du casque obligatoire a été étudiée à plusieurs reprises au Québec, qui est l’une des deux seules provinces canadiennes à ne pas renforcer son utilisation chez les cyclistes mineurs en encadrant légalement son port. 

À la lumière des faibles taux d’utilisation du casque parmi les enfants montréalais victimes d’un traumatisme à vélo, ainsi que par l’ampleur de la problématique, il est impératif de revisiter ce dossier afin de prévenir des situations comme celle vécue par Marie et sa famille.

Depuis 2010, il existe une solution québécoise permettant de diminuer les traumatismes chez les cyclistes mineurs, tout en faisant la promotion et en stimulant l’utilisation du vélo. Issue de la collaboration et de l’expertise des commissions scolaires, des départements de police, des hôpitaux locaux, de la SAAQ, des experts en santé publique, ainsi que les membres du conseil municipal, cette solution a déjà porté fruit dans le cadre de son implantation par la Ville de Sherbrooke. 

La municipalité a en effet implanté avec succès un modèle de communauté sécuritaire, basé sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. La force de leur initiative résidait dans l’approche holistique face à la sécurité des enfants : une législation encadrant le port du casque chez les cyclistes mineurs, une distribution gratuite de casques auprès des populations vulnérables, une promotion des habitudes sécuritaires à vélo, ainsi qu’un financement d’un réseau cyclable de qualité. 

Le débat actuel qui prévaut au Québec à propos de l’identification et de la promotion d’une seule stratégie de prévention des traumatismes à vélo chez les mineurs paraît, en comparaison à l’approche adoptée par la Ville de Sherbrooke, totalement désuet. La solution réside plutôt dans une approche globale et collaboratrice.

Le dur constat actuellement est que les hôpitaux pédiatriques montréalais accueillent annuellement, en moyenne, 36 enfants ayant eu un traumatisme cranio-cérébral à la suite d’une collision à vélo alors qu’ils ne portaient pas de casque protecteur.

Les blessures subies par ces enfants, ainsi que l’impact significatif sur leur famille, auraient pu être potentiellement prévenus par un projet communautaire montréalais favorisant la promotion des habitudes routières sécuritaires à vélo, la distribution de casques gratuits au sein des populations vulnérables, les aménagements routiers adaptés pour les cyclistes, ainsi qu’une législation encadrant le port du casque obligatoire chez les mineurs. 

Cette stratégie fonctionne, en témoigne le cas sherbrookois. C’est d’ailleurs cette solution qui sera présentée lundi à l’hôtel de ville de Montréal, dans le cadre d’une motion sur laquelle les élus voteront. Le statu quo actuel entourant la question du port du casque, qui perdure depuis trop longtemps au Québec, a un coût humain et social, présentement payé aux frais de la santé de nos communautés. Il n’en tient qu’aux élus de mettre fin à ces maux évitables en mettant en œuvre une série de mesures dont le succès a d’ores et déjà été prouvé.

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