C’est parti ! La campagne électorale est officiellement commencée même s’il peut sembler qu’elle est en cours depuis déjà des mois.

Cette fois, il y a six partis qui se font compétition pour une place à la Chambre des communes avec des messages forts différents. Qu’est-ce qui décidera de l’issue du vote ? Il y a maints facteurs à prendre en considération : la stratégie, les chefs, les débats, les gaffes. Mais une chose prime en fin de compte : quelle sera la question sur laquelle se joueront les élections ?

À écouter Justin Trudeau hier, les libéraux misent sur la peur. Peur d’un retour en arrière et des grosses méchantes politiques de Stephen Harper. « En 2015, après 10 ans de politiques conservatrices, l’économie canadienne stagnait », lançait Trudeau – omettant de dire que ce fut la chute du prix du pétrole cette même année qui avait provoqué une crise économique au pays. Mais tant pis. Les libéraux calculent que faire campagne contre le spectre de M. Harper rapporte plus que d’attaquer l’actuel chef Andrew Scheer, que Trudeau n’a même pas mentionné.

Début de campagne surprenant, car jusqu’ici, tout indiquait que les libéraux miseraient sur la lutte contre les changements climatiques. 

Présentement, les sondages montrent que c’est l’enjeu dominant, particulièrement chez les 18-35 ans. Selon un rapport publié par l’Université de Montréal et l’Université de Santa Barbara, dans 88 % des circonscriptions, une majorité de Canadiens appuient l’idée d’une taxe sur le carbone. Le Québec compte le plus d’électeurs qui croient que leur province est touchée par les changements climatiques, soit 79 %.

Mais pour Trudeau, l’environnement pourrait être une arme à double tranchant. Il a beau prétendre qu’il est le champion du climat et dépeindre Scheer comme un dinosaure sans réel plan, il reste que son approbation du projet Trans Mountain représente pour plusieurs une énorme contradiction. 

Environnementaliste ou baron du pétrole ? Cette double identité pourrait lui nuire, notamment en Colombie-Britannique et au Québec, terrains de bataille clés dans cette campagne. Beaucoup plus facile, alors, de s’attaquer à un adversaire comme Harper qui provoque des sentiments de haine chez les progressistes. Car s’il veut conserver sa majorité, Trudeau doit rassembler tous les électeurs de gauche.

Mais ça aussi, c’est un risque, car l’accent que met Trudeau sur l’économie joue en faveur des conservateurs qui, eux, veulent justement que les élections tournent autour de questions de portefeuille. Dans une récente vidéo, Andrew Scheer déclare : « Mon plan pour les Québécois ? Baisser le coût de la vie et laisser plus d’argent dans vos poches ». 

Portés au pouvoir, les conservateurs retireraient la TPS des factures reliées au chauffage, donneraient un crédit d’impôt sur les bénéfices de la maternité aux nouveaux parents et élimineraient la taxe sur le carbone.

Dans sa conférence de presse, Scheer a aussi ramené l’affaire SNC-Lavalin à l’avant-scène, aidé par le Globe and Mail, qui joue en une la révélation voulant que la GRC mette un terme à son enquête, car le gouvernement refuse de lever la confidentialité des échanges du cabinet.

Pour le NPD, c’est la déprime. À 9 % dans les sondages selon certains coups de sonde, Jagmeet Singh tente maintenant de sauver les meubles. Pour le parti, les inégalités économiques qui prévalent. Les néo-démocrates promettent la gratuité des médicaments, un impôt sur la richesse et une taxe de 1 % sur les actifs de plus de 20 millions.

Reste que la popularité de Singh ne lève pas. Il est peut-être victime de la tyrannie des attentes ; très élevées lorsqu’il a pris la direction, mais en chute libre depuis.

Les vautours planent

Au Québec, le Bloc profite des misères du NPD et désire reprendre ses anciens châteaux forts. À entendre Yves-François Blanchet, c’est un nouveau Bloc qui fait campagne en 2019, prêt à mieux représenter les intérêts de la province. Ailleurs au Canada, ce sont les verts d’Elizabeth May qui récoltent les retombées des déboires du NPD ; récemment, au Nouveau-Brunswick, huit membres du parti de Singh se sont joints à son parti.

Un autre facteur joue en faveur des verts : le populisme. Partout, une fatigue s’installe par rapport aux vieux partis. Au provincial, on l’a constaté avec, au Québec, l’élection de François Legault, et en Ontario, la victoire de Doug Ford – qui a transformé le Parti progressiste conservateur « à la Donald Trump » en un parti de la « Ford Nation ».

L’autre parti fédéral qui profiterait d’une vague populiste serait le Parti populaire de Maxime Bernier.

Jusqu’ici, il ne réussit pas à percer le plafond de 3 ou 4 % dans les sondages. Il se fait rondement critiquer pour ses affiches publicitaires attaquant « l’immigration de masse » et pour une série de gazouillis mesquins ciblant la jeune environnementaliste Greta Thunberg. Pour que Bernier réussisse son projet, il faudrait que cette vague propopulisme se transforme en véritable tsunami. Est-ce qu’on hait les élites à ce point au Canada ? Ça reste à voir.

Donc, sur quelle question vont se jouer ces élections ? L’économie ? L’environnement ? L’anti-élitisme ? Ces élections sont peut-être les plus imprévisibles que le Canada ait jamais vues. Alors accrochez-vous à vos chapeaux et à vos bulletins de vote. Nous entrons dans ce qui s’annonce comme une véritable course folle !

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