Depuis la mise en vigueur de la loi 113, toute personne confiée à l’adoption avant le 16 juin 2018 a droit de recevoir son identité d’origine, celle de ses parents d’origine inscrits au dossier d’adoption, à moins qu’ils aient signifié un refus à la divulgation de l’identité avant juin 2019 ou avant toute demande de la part de la personne adoptée, ainsi que tout renseignement leur permettant de prendre contact. Ce libellé en égaie plusieurs parmi la grande famille des personnes confiées à l’adoption. Le malheur est que les conseillers juridiques du ministère de la Santé et des Services sociaux restreignent, et ce, de façon très protectrice pour les parents d’origine, les informations qui seront transmises. Au Québec, au lieu d’ouvrir les valves, on resserre l’étau. C’est de la poudre aux yeux !

En fait, la personne confiée à l’adoption qui fait sa demande n’aura droit qu’aux noms et prénoms de ses parents d’origine, lorsque disponibles et si aucun veto n’a été signifié. Pour celle dont le parent est décédé depuis plus d’un an, les mêmes deux petits renseignements sont fournis, ainsi que l’âge au moment du décès et les causes, si connues. Mais là ne s’arrête pas la limitation. Non !

Lorsque le requérant présente une demande concernant l’identité de son père d’origine et que cette filiation est seulement présumée, les établissements sont obligés de faire des démarches pour retrouver cette personne et obtenir son consentement à une telle divulgation. Ils ne peuvent révéler l’identité d’une personne qu’on présume seulement être le parent de la personne confiée à l’adoption. L’article 583 du Code civil s’applique uniquement dans les cas où la filiation est établie.

Donc, ici, on prétend que des mères qui ont révélé l’identité du père, avec ou sans son consentement, ont menti ! Et plusieurs de ces chers géniteurs se sauveront, encore aujourd’hui, les pattes aux fesses… Combien de pères qui ignorent leur paternité seront réellement contactés et consentiront à une telle divulgation ?

En fait, sans vouloir être de mauvaise foi, combien d’énergie sera mise sur la localisation de ces pères qui ne « semblent » pas avoir de filiation, car ils n’ont pas apposé leur signature quelque part ? Bien des pères réels, identifiés au dossier, sans document officiel, sont probablement déjà décédés. Et pourtant, la vérification de décès a déjà été faite pour plusieurs et, aujourd’hui, on taira leur identité. Voyons ! Bien des dossiers seront tout à fait laissés à l’abandon par manque de temps et par mauvaise interprétation.

Pour les mères d’origine dites « introuvables », le nom inscrit au dossier (dans la majorité des cas, un pseudo) sera révélé en y attachant un veto de contact, car, encore ici, on ne peut présumer que ces personnes consentiraient… Mais le nom du père inscrit au dossier, si introuvable, sera volontairement retenu pour ne présumer de rien !

Jusqu’à maintenant, il a été uniquement question de cette nouvelle directive reçue par les intervenants, mais il est aussi important de parler de la règle qui entoure la fratrie. Des frères et sœurs nés de même mère et/ou de même père seront mis en contact uniquement si les deux parties en font la demande et si le fait de les mettre en contact ne révèle pas l’identité du parent qui aurait pu placer un refus à la divulgation de son identité. Qu’arrive-t-il si l’une des parties ignore l’existence de l’autre ? Néant…

Les descendants (ou toute personne significative) de la personne confiée à l’adoption, laquelle est malheureusement décédée avant d’avoir pu débuter ou finaliser sa quête d’identité, se voient également oubliés par la loi 113. En effet, le décès de la personne adoptée vient mettre fin à toute chance que sa suite puisse connaître la vérité sur ses origines. Lorsqu’on donne la vie à un enfant, n’hérite-t-il pas de nos gènes ? Lesquels ? Ils l’ignoreront sans doute à jamais, si ce n’est que de cette nouvelle législation.

Les intervenants aux dossiers devront maintenant contacter les requérants de ces magnifiques applications de la loi et, par la suite, jugeront que les personnes confiées à l’adoption sont des personnes agressives ! On se demande bien pourquoi ! Si on faisait place au gros bon sens, à une approche plus humaine et si on pensait à ce que ressentent ces dizaines de milliers de personnes en quête de leur identité, depuis des décennies pour la majorité, l’agressivité laisserait largement sa place à la reconnaissance et au mieux-être.

Face à l’ignorance, à une loi restrictive, au jugement et à la non-reconnaissance de la personne adoptée comme une personne à part entière, se pourrait-il que des émotions moins positives remontent à la surface ? Se poser la question est y répondre.

On traite ici avec des humains, fragilisés dans certains cas. Ils ont tous besoin d’écoute, de soutien et de respect. La façon de faire avec cette clientèle ne s’apprend malheureusement pas lors d’une légère formation, mais avec des années d’expérience.

À noter qu’à la mi-août 2019, uniquement 30 % des demandes reçues depuis le 16 juin 2018 ont été traitées. Pourquoi ? Par manque de jugement initial lors de l’établissement des procédures à suivre établies avant la mise en vigueur de la loi 113. Au lieu de laisser les responsabilités aux services d’antécédents et retrouvailles des CISSS/CIUSSS (anciennement centre jeunesse) déjà en place, fonctionnels, compétents, expérimentés et adéquats, on a préféré créer une centrale administrative pour traiter les demandes. Résultat : fouillis total… et, à moyen terme, pertes de services dans lesdits CISSS/CIUSSS et création de 4 pôles majeurs pour la province, donc délais indéfinissables à prévoir.

L’article 583 du Code civil est de plus en plus interprété de façon à limiter au maximum les informations transmises au requérant pour continuer de protéger le parent d’origine. A-t-il vraiment besoin d’être protégé de cette façon ? Pourquoi ne pas l’accompagner plutôt dans cette démarche ? La plupart des mères ont été stigmatisées, jugées et laissées à elles-mêmes par le passé. Encore aujourd’hui, on tente de couvrir le tout pour cacher les erreurs sociales, religieuses et étatiques de l’époque ! Il y a plein de sous-entendus très défavorables pour les gens concernés par l’adoption au Québec dans cette loi. D’ailleurs, notez que plusieurs parents d’origine désirent connaître l’adulte qu’est devenu le petit être qui a dû être remis à d’autres mains, mais ils doivent passer par les dédales administratifs permettant d’aller chercher un consentement. On ajuste les procédures et interprétations au gré des saisons… Espérons que le nouveau gouvernement en place pourra faire en sorte d’alléger ce fardeau rapidement.

Pourquoi le Québec est-il si frileux de redonner à ces milliers de personnes leur vérité, leurs origines ? Parce que mon pays, c’est l’hiver ? 

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