Nous vivons dans une société qui juge le présent à partir de ses rapports au passé. En ce sens, nous saisissons souvent la réalité de nos jeunes en fonction de notre propre rapport nostalgique au passé. On le sait, la nostalgie, c’est la mémoire embellie où le souvenir qui est retenu de la situation est glorifié par rapport à la perception que nous avions de ce même moment lorsque nous le vivions.

Or, le regard critique et acerbe des adultes envers ceux qui leur succèdent dans les passages de la vie (lire les jeunes) n’est pas nouveau en soi et il n’épargne aucune sphère de la vie courante, allant de l’habillement aux mœurs sociales, en passant même par les postures professionnelles, le cas échéant. Bref, le « c’était dont mieux avant ! » démontre une certaine incompréhension de notre progéniture.

L’éducation est certainement l’endroit où cette incompréhension se manifeste le plus fréquemment, et ce, autant par les professionnels qui encadrent les élèves que par leurs propres parents et, évidemment, par le grand public en général.

Cette incompréhension est certainement notoire lorsqu’on analyse le rapport des jeunes avec la technologie. On dénonce fréquemment les prétendus ravages que le virtuel ferait chez les jeunes. En effet, les médias sociaux, téléphones intelligents, Netflix et les jeux vidéo comme Fortnite seraient responsables de nombreuses dérives psychologiques et sociologiques comme la cyberintimidation, la cyberdépendance, le partage de photos intimes, la dépression, la perte de sommeil, etc.

Or, des recherches publiées par des psychologues d’Oxford tendent à diminuer les effets néfastes des technologies chez les adolescents.

Cela sans mentionner que ces phénomènes étaient présents dans nos vies adolescentes aussi, la dimension virtuelle exceptée.

Parallèlement, presque quotidiennement, des observateurs dénoncent les écoles, les enseignants et autres intervenants en éducation qui intègrent ces technologies dans les activités scolaires et pédagogiques sur une base quotidienne. Pourquoi ces derniers contribuent-ils volontairement à exacerber ce que plusieurs considèrent comme une des pires calamités qui guettent l’humanité ?

Dans les faits, soit qu’on se limite à dénoncer une situation qui nous apparaît comme étant préoccupante ou, à l’opposé, soit qu’on prend les moyens pour faire en sorte d’améliorer ladite situation en l’abordant de front pour faire en sorte de tenter de diminuer les manifestations désagréables décriées par les premiers.

Dans cette perspective, voici ce qui se passe dans plusieurs écoles ou dans les classes de ceux qui travaillent à éduquer les élèves à la citoyenneté numérique en les sensibilisant à leur empreinte et à une certaine éthique en matière d’utilisation des technologies.

Dérives et potentiel à exploiter

Essentiellement, il s’agit de comprendre et surtout d’accepter que les technologies soient ancrées dans la vie de nos élèves et que, bien qu’il faille reconnaître les dangers de dérives, il y a néanmoins un énorme potentiel à exploiter pour enrichir autant la démarche pédagogique que celle liée à l’apprentissage. Ainsi, quelles technologies peuvent être mobilisées et pour quels besoins ? Évidemment, cela doit toujours être le besoin de l’apprenant qui justifie l’outil à exploiter ou encore, l’intention pédagogique doit impérativement dicter l’utilisation de ce dernier.

Également, les enseignants contribuent au développement de l’esprit critique que les élèves exercent face à l’utilisation des outils technologiques, afin qu’ils en ressortent les forces, mais également qu’ils soient conscients des défis liés à leur utilisation et du lien qu’ils entretiennent avec ledit outil. Cette distanciation critique semble incontournable dans les activités de citoyenneté numérique qui sont mises en place dans plusieurs classes de nos écoles québécoises. C’est également une approche métacognitive qui peut être transférée vers d’autres sphères de la vie de nos jeunes.

Ce n’est donc pas en interdisant les outils qui sont pourtant utilisés et valorisés partout ailleurs dans la société que les milieux scolaires agiront de façon cohérente avec leur propre mission : éduquer les élèves et les préparer à leur vie adulte.

Au contraire, des milliers d’enseignants québécois sont à pied d’œuvre pour sensibiliser leurs élèves à une utilisation éthique et réfléchie des technologies.

Le ministère de l’Éducation a d’ailleurs publié, au printemps dernier, son Cadre de référence de la compétence numérique et un comité de travail s’active à élaborer un nouveau référentiel de compétences professionnelles des enseignants qui, il y a fort à parier, sera grandement influencé par les réalités technologiques.

En parallèle, ces enseignants travaillent non seulement à « passer la matière » de leur programme respectif, mais ils contribuent à préparer nos jeunes pour leur vie au XXIsiècle. Je sais, cela en exaspère plusieurs qui doutent de l’importance de la métacognition et de la rétroaction ou qui contestent le vocabulaire dont est issu le terme controversé des fameuses « compétences pour le XXIe siècle », mais quand même, alors qu’on se plaint des jeunes qui manquent de civisme ou encore, lorsqu’on constate que ces derniers s’échappent du tissu social tricoté par leurs propres parents, peut-on vraiment s’insurger de la place que de plus en plus d’écoles entendent faire aux aptitudes et aux compétences humaines dans les activités scolaires et pédagogiques ? Peut-on vraiment lever le nez sur le besoin de contribuer à développer, par exemple, le leadership, la créativité, l’esprit critique et la collaboration chez nos jeunes ?

Ainsi, une école qui se préoccupe non seulement de l’instruction de ses élèves, mais également du développement de leurs aptitudes sociales et des compétences citoyennes à développer en est une qui saura, du même élan, rassurer la société entière sur l’évolution de sa jeunesse à travers les défis que la vie posera sur leur chemin.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion