L’élan de solidarité envers la presse régionale témoigne d’un attachement profond des Québécois à l’information. Ce geste significatif ne doit pas cacher le fait que les entreprises de presse ont commis des erreurs ; il faut se le dire, mais l’important, c’est de ne pas les reproduire. 

Pour les fins de l’exercice, nous avons retenu trois points principaux. La première erreur est sans doute d’avoir cru de manière naïve à la notion de marché pour une denrée qui n’est pas une marchandise.

La crise des médias sévit depuis longtemps dans certaines parties du Québec aussi bien qu’en périphérie de Montréal (Longueuil, Laval) ou de Québec (Lévis). Aujourd’hui, la région éloignée, c’est le Québec en entier. La fameuse main invisible de Smith ne peut pas rééquilibrer le marché phagocyté par les géants du web.

Ce constat devrait nous prémunir contre les mirages que font miroiter certains repreneurs. Une reprise du groupe ne doit pas se faire dans le saccage des salles de nouvelles.

Les anciens décideurs acteurs de Capitales Médias n’étaient pas imbéciles. L’avenue la plus réaliste aussi bien pour l’information que pour les médias est celle de la formule coopérative proposée par la Fédération nationale des communications (FNC). Si, pour La Presse+, il n’y a plus assez d’argent de disponible pour satisfaire la production d’une information de qualité et l’appétit d’éventuels actionnaires, cela risque d’être vrai pour pas mal de monde. 

Réclamations citoyennes

La deuxième erreur est la sourde oreille que les entreprises ont prêtée aux réclamations citoyennes. Au fil des années, des dizaines d’opérations de consultation de tout genre et des centaines de mémoires provenant de la société civile ont été néantisés par la pression du lobby des entreprises de presse. Si les propositions de la société civile avaient été écoutées, nous serions peut-être déjà à peaufiner des solutions bien en place.

Une authentique pluralité des voix, ce n’est pas plusieurs médias qui disent la même chose, mais c’est accepter et publier un point de vue différent. 

On oublie qu’à cet égard, les GAFA opèrent aussi une dégradation de la pluralité des points de vue en uniformisant de manière planétaire le portefeuille de propos et en effectuant une surenchère de l’individualisme à tout crin rejetant le collectif et la solidarité. S’ensuivent la disparition du concept de nation et l’effacement psychologique des références au territoire, d’où la nécessité de sauver Groupe Capitales Médias, car c’est là que l’on retrouve la plus grande couverture régionale du Québec. 

Déontologie

Le volet déontologique est le troisième point. La déontologie n’est pas une distraction et le pouvoir réclamé par la presse pour cacher des informations aux autorités policières et judiciaires doit s’accompagner d’une contrepartie sociale qui ne peut être que déontologique. Cela est d’autant plus indispensable avec une intervention plus grande de l’État.

Il est devenu évident au fil des ans que le Conseil de presse du Québec (CPQ) n’est plus le véhicule qui peut assurer cette contrepartie sociale. Son nouveau code, ses nouvelles procédures aussi bien que les personnes qui les ont mises en place sont totalement asservis aux intérêts des entreprises de presse.

Le Conseil de presse du Québec est comme un vieux bâtiment devenu impossible à rénover, il faut repartir sur d’autres bases.

Il n’y a pas non plus une organisation citoyenne qui surveille l’information, et les laboratoires universitaires ne sont pas des organismes militants. La question déontologique demeure grande ouverte. 

Bien des questions importantes restent donc en suspens. Comment garantir la déontologie journalistique, quel rôle accorder à Télé-Québec, comment assurer une information équitable sur tout le territoire ? Décidément, la commission parlementaire sur l’avenir de l’information a beaucoup de pain sur la planche.

* L’auteur a également été président du Conseil de presse du Québec

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