Je voudrais témoigner du fait que le type d’employés sans scrupules du réseau de la santé dénoncés samedi dans La Presse s’active non seulement dans les institutions publiques (CHSLD, hôpitaux, etc.), mais aussi à domicile, sans témoin, en toute impunité auprès de patients vulnérables le plus souvent isolés.

Mon fils Sébastien, qui est allé mourir en Suisse en 2017 faute d’accès à l’aide médicale à mourir (AMM) chez lui au Québec, répondait à tous les critères d’admissibilité à l’AMM de la loi québécoise sauf à celui d’être en fin de vie. Patrick Lagacé avait écrit une chronique sur son histoire peu après sa mort. 

Je veux révéler le fait que Sébastien a été harcelé « spirituellement » par une préposée qui lui donnait des soins à domicile au cours des mois précédant sa mort. Comme il avait confiance en elle, il lui avait confié qu’il faisait des démarches pour aller en Suisse pour mourir par suicide assisté.

Croyante catholique convaincue, elle a aussitôt entrepris de le persuader de changer d’avis en invoquant ses propres valeurs religieuses et les terribles conséquences de sa décision. 

Chaque jour, pendant les trois heures et demie que duraient ses soins personnels du matin, elle revenait à la charge. Même s’il lui disait qu’il n’était pas croyant, elle insistait. Elle a ensuite augmenté la pression en utilisant la culpabilité : avait-il réfléchi aux « dommages collatéraux » de sa décision pour sa fille, ses proches, etc. ? Il en était exaspéré, mais comme il était en situation de dépendance, voire d’impuissance, il tolérait en se disant qu’il n’en avait plus pour longtemps… 

La froideur s’installe

Quand elle a compris qu’elle ne pourrait pas l’influencer, la relation d’aide est passée de chaleureuse à froide. Elle boudait, faisait sa « job » en silence et coupait court à toute tentative de communication de Sébastien. Elle s’en allait avant la fin de la période qui lui était réservée, laissant en plan certains soins amorcés.

Elle a commencé à refuser de lui prodiguer les soins intestinaux qu’elle avait jusque-là assumés en prétextant qu’elle n’était pas payée pour cela. Et j’en passe… Bref, elle le punissait pour « insubordination » ! Puis elle s’est soudainement absentée pour des vacances non prévues. 

Sébastien refusait de se plaindre à l’organisme qui embauchait cette préposée de peur de ne plus recevoir de soins.

La pénurie de main-d’œuvre sévissait déjà. De plus, elle lui disait que s’il demandait un changement de préposée, il devrait composer avec une personne différente chaque matin. 

Il ne faut pas perdre de vue que Sébastien était très malade, un grand souffrant alité plus de 16 heures par jour et confiné à un fauteuil roulant électrique, rendu à la fin de SA vie, et engagé dans un processus d’une extrême lourdeur devant le mener à la mort. 

Atmosphère toxique et insupportable

Au retour des vacances de la proposée, elle a justifié son absence « forcée » par un épuisement émotif causé par la détermination de Sébastien à aller au bout de son projet et à son incapacité à lui faire entendre raison. Elle se disait dérangée par son attitude qu’elle jugeait négative : il a osé une fois lui demander de laisser sa mauvaise humeur à l’extérieur avant d’arriver. Elle réagissait désormais avec brusquerie. 

Malgré tout, elle tenait à continuer à venir chez lui, sans doute pour ne pas perdre son affectation permanente auprès de lui. L’atmosphère était devenue insupportable, toxique même. 

Les interventions menées auprès du travailleur social du CLSC ont finalement permis à Sébastien de se dégager de l’emprise de cette « harceleuse » spirituelle.

Une autre préposée pleine de respect et de compassion a pris la relève pour les quelques semaines de vie qu’il lui restait. 

Talonner nos élus

Sébastien avait besoin de compréhension, de respect, de calme et de sérénité pour approcher sa mort prochaine. L’attitude et le comportement de cette préposée dominatrice lui causaient plutôt tracas, stress, confusion et inquiétude. Par son comportement abusif, elle lui a volé quelque chose comme… une part du peu de dignité qu’il lui restait. 

Ma peur ? C’est que cette « tique zélée » – comme dirait Patrick Lagacé – continue à exercer sa prédation mentale quelque part auprès d’une autre personne vulnérable sans être inquiétée, se présentant sous l’aspect de la bienveillance. 

Il me semble important de talonner sans cesse nos élus pour que des mesures soient prises sans délai afin de faire cesser ces abus de pouvoir.

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