Le mois d’août à Montréal est reconnu comme le mois de la Fierté, un moment pour célébrer la résilience et l’unité de la communauté LGBT+.

La Mission Old Brewery a 130 ans, mais ce n’est que tout récemment que la situation d’un groupe auparavant invisible a pris plus d’ampleur : les adultes LGBT+ qui frappent à notre porte et qui méritent assurément toute notre attention.

Monique, 35 ans, a perdu le soutien de sa famille lorsqu’elle a finalement eu le courage de s’afficher en tant que lesbienne. Elle s’est retrouvée à la rue. Joanie, 42 ans, a réalisé qu’elle devait entamer de l’hormonothérapie et subir une opération de réassignation sexuelle pour se sentir enfin elle-même.

Affirmer être une femme – alors que toute sa vie on la considérait comme un homme – lui a coûté son emploi. Se reloger s’est révélé impossible ; chaque fois qu’elle se présentait pour une visite, le logement était déjà loué. Alex, 26 ans, ne se sent ni homme ni femme. Des personnes comme Alex se sentent souvent mal à l’aise dans les ressources pour femmes, mais lorsqu’elles ont recours aux ressources pour hommes, il s’avère qu’elles doivent spécifier un genre pour être admises. Les intervenants anticipent la réaction des autres personnes qui partagent son dortoir.

Monique, Joanie et Alex sont tous à la rue.

Au-delà des jeunes

Bien que les recherches sur l’itinérance LGBT+ aient avancé ces dernières années, elles ont presque exclusivement porté sur les jeunes. Bien sûr, l’intervention auprès des jeunes LGBT+ est importante. Cependant, cela n’aide pas ceux qui ont dépassé le stade de la prévention, comme les adultes LGBT+ vivant dans la rue ou dans des conditions de logement précaires.

Pour différentes raisons, les adultes de la communauté LGBT+ sont plus à risque que leurs homologues hétérosexuels de vivre une situation d’itinérance. Cela dit, nous en savons très peu sur leurs expériences dans les services et sur leurs trajectoires d’itinérance.

Chaque jour, la Mission Old Brewery tente d’accueillir les personnes les plus vulnérables, qui ont chacune leur histoire, afin de les accompagner vers la sortie de l’itinérance. Nous sommes ouverts à tous. Cependant, la réalité est que nous vivons un débordement. Nos grands dortoirs n’offrent pas autant d’intimité que nous le voudrions et nous avons encore beaucoup à apprendre sur les meilleures pratiques pour bien accueillir les personnes de la communauté LGBT+.

Cela étant dit, il est inacceptable que des personnes LGBT+ vulnérables aient le sentiment que la rue est leur seule option.

La façon traditionnelle dont nous fournissons les services aux personnes en situation d’itinérance – en séparant les hommes des femmes dans des dortoirs avec très peu d’intimité – compromet le bien-être des personnes de la communauté LGBT+ vivant une situation d’itinérance. Nous devons remettre ces pratiques en question et pallier l’absence d’options. Il est inacceptable que le manque d’installations adéquates empêche un intervenant d’assurer la sécurité d’une personne.

Un centre communautaire LGBT+ de Toronto, The 519, recommande que les centres de services destinés aux personnes sans-abri soient équipés de chambres à deux lits ou privées dotées d’une salle de bains, de programmes spécialisés pour les personnes de la communauté LGBT+ et d’une formation de sensibilisation obligatoire et continue pour le personnel.

Ce sont là des mesures de base à prendre si nous voulons reconnaître les besoins de nos clients issus de la communauté LGBT+. Malheureusement, nous sommes limités par l’architecture existante de nos bâtiments, les moyens restreints de nos programmes et les services qui sont souvent surchargés et en manque d’effectif.

À nous seuls, nous ne pouvons pas changer les choses. Les gouvernements, les chercheurs et les fournisseurs de services aux personnes en situation d’itinérance de Montréal doivent se rendre compte de la situation.

Les besoins des adultes LGBT+ vivant une situation d’itinérance semblent être oubliés lorsqu’il s’agit de possibilités de financement, de recherche et de conversations entre ceux qui travaillent dans ce domaine. Changer d’approche pour mieux servir cette population est le moins que l’on puisse faire pour Monique, Joanie et Alex. Ils le méritent.

Ensemble, nous pouvons travailler pour mieux comprendre leurs besoins et leur offrir des services adaptés afin que la vie dans la rue ne soit plus leur seule option.

* Émilie Fortier est directrice des services du campus Saint-Laurent, Hannah Brais est coordonnatrice de recherche et Charlie Savignac est superviseur.e des services du campus Saint-Laurent.

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