Pour plusieurs Québécois, le rêve d’adopter des enfants de leur pays natal est exclu par une restriction juridique.

Cette situation a mené Lamia Naas, une travailleuse sociale québécoise d’origine algérienne, à faire circuler une pétition dans le but de changer la loi et de pouvoir enfin adopter un petit de son pays d’origine.

Présentement, aucun Québécois ne peut adopter d’enfants nés dans un pays musulman. Contrairement à l’Ontario, qui permet l’adoption d’enfants notamment de l’Algérie, du Maroc, du Liban et de l’Iran, le Québec restreint l’adoption de ces pays.

Pourquoi une telle différence ? D’après le Secrétariat à l’adoption internationale du Québec, les « pays qui ont un système juridique basé en tout ou en partie sur le droit musulman prohibent l’adoption ». 

Cette caractérisation est erronée. Les pays musulmans ne « prohibent » pas l’adoption, nonobstant, leur système d’adoption est différent de celui que nous connaissons au Québec. Comme certains experts le conseillent, il y a lieu de revoir la restriction québécoise sur l’adoption de pays ayant une religion autre, particulièrement de pays musulmans.

Ici, lorsqu’un enfant est adopté, son lien de parenté se brise, de sorte que l’enfant n’a aucun lien légal avec ses parents biologiques. Un lien légal se crée uniquement avec ses parents adoptifs. Une longue lignée de décisions de nos tribunaux affirme qu’un enfant d’un pays qui ne reconnaît pas cette rupture telle qu’elle est appliquée au Québec ne pourra être adopté ici.

Plusieurs pays musulmans ont un système d’adoption nommé kafalah. En Algérie, par exemple, lorsqu’un enfant est adopté, il garde son lien de parenté avec ses parents biologiques. C’est ce point qui empêche des parents québécois d’adopter de pays musulmans.

Alors que notre système de justice prône l’intérêt de l’enfant, dans des cas d’adoption internationale, le bien-être de l’enfant, sa santé et son bonheur semblent entièrement absents des discussions.

Malgré le fait que leur système d’adoption soit différent, les pays musulmans ne prohibent pas l’adoption telle quelle. Certaines interprétations du droit coranique décrivent notamment une autorisation d’adoption internationale lorsque celle-ci est dans l’intérêt de l’enfant. En revanche, le droit ne reconnaît simplement pas cette réalité. 

Des conséquences importantes

Malheureusement, cette restriction a des conséquences importantes. Premièrement, des parents voulant adopter de ces pays ne peuvent pas suivre la procédure d’adoption internationale. Cela implique qu’ils doivent adopter d’un pays autre que celui d’où ils sont originaires, ou ne pas adopter du tout. Il y a ici une considération importante : des parents qui pourraient offrir une vie familiale à des enfants dans le besoin et qui se conforment à toute autre restriction sur l’adoption, telles l’évaluation psychosociale et la stabilité financière, se font refuser cette possibilité par une restriction qui semble arbitraire.

De plus, la restriction peut mener de futurs parents adoptifs à contourner la loi québécoise en utilisant leur rôle en tant que gardien légal de l’enfant pour le faire venir au Québec et ensuite postuler pour une adoption à l’interne. Dans un article publié dans la Revue de droit de McGill, les auteures Helly, Scott, Hardy-Dussault et Ranger notent cependant que cette procédure pourrait être vue comme une fraude à la loi et mener à un rejet de l’adoption. Bien que la loi permette ainsi de se protéger contre la fraude, cette disposition laisse bien des familles dans des situations précaires.

Ne pouvant adopter leurs enfants, ces parents n’auront pas les droits et responsabilités liés à la condition de parent, mais seulement ceux de tuteurs. Est-ce vraiment dans l’intérêt de l’enfant ?

Finalement, puisque d’autres provinces, particulièrement l’Ontario, sont plus ouvertes à l’adoption, plusieurs personnes quittent la province pour pouvoir adopter leurs enfants légalement. De ce fait, nous perdons des gens qui sont qualifiés à devenir parents adoptifs au profit des provinces anglophones.

Que ce soit au Québec, en Algérie ou ailleurs dans le monde, la considération primordiale devrait toujours être l’intérêt de l’enfant. Ce principe est aussi vrai en droit québécois qu’en droit musulman. Un enfant orphelin ou abandonné par ses parents devrait avoir la chance de vivre hors d’un orphelinat, entouré d’une famille qui l’aime, peu importe où il est né.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion