L’annonce faite récemment par le gouvernement du Québec, d’investissements importants dans la francisation des immigrants est appréciable.

Il est vrai que ce sont l’emploi et l’éducation qui sont de toute évidence les meilleurs moyens de franciser et d’intégrer les immigrants (voir l’excellent texte d’Agnès Gruda dans La Presse+ du 11 juillet).

Toutefois, un coup de pouce linguistique à l’immigrant l’aidera beaucoup à accéder à cet emploi ou encore à un établissement d’enseignement approprié.

Plus de professeurs et un meilleur soutien financier aux futurs francisés constituent des pas importants, tant pour faire augmenter le taux de participation aux cours de francisation que pour favoriser la persévérance des étudiants.

Personnellement, je privilégie une autre des mesures annoncées, celle qui permettra aux personnes ayant immigré depuis plus de cinq ans de s’inscrire aux cours de francisation.

Dirk Kooyman

Quand j’ai reçu, par la poste, mon certificat de sélection du Québec, j’étais bien sûr honoré de cette distinction importante et inattendue. Mais avant tout, j’étais étonné que la Délégation du Québec à Bruxelles ne m’ait pas rencontré. Pas de vérification de mes compétences professionnelles ou de ma compréhension du français. On ne peut que constater que l’ambassade du Canada était quelque peu plus sérieuse : ils ont vérifié mon état de santé et, surtout, l’amour que je ressentais pour « this Quebec girl » qui m’a fait perdre tête et pays. Et ils ont délivré mon visa, avec la mention « must marry within 90 days » (doit se marier dans les 90 jours).

Lors de mon arrivée au Québec, le fédéral a tamponné mon visa – « condition fulfilled » (condition remplie). Malheureusement, côté Québec, l’accueil n’était même pas tiède. J’ai dû organiser mon intégration, aidé, il faut le dire, par une présence chaleureuse, intelligente et patiente à mes côtés.

Pour l’apprentissage de la langue, il fallait bâtir sur les six ans de cours de français que j’ai suivis à l’école secondaire, cours de lecture uniquement parce qu’il était impensable qu’un Hollandais ait à s’exprimer dans cette langue complexe (et un peu arrogante….).

Ainsi, j’apprenais à l’Université Laval que le mot « philosophie » ne s’écrit pas avec des f. Cette sagesse émanait de la bouche d’un professeur qui sortait directement des années 70, à juger par ses cheveux, sa barbe et sa chemise à carreaux. C’est de sa bouche que j’ai appris l’existence du joual et du fait que si un Québécois ne fait pas d’effort, il n’y aura rien à comprendre, au moins les premières années dans les ruelles de la Belle Province ou sur ses bancs de salle de cours.

Par la suite, deux employeurs universitaires québécois ont été plus qu’accueillants avec moi, au moins sur le front linguistique. Toutefois, je me rappelle avoir présenté un document au conseil d’administration d’un des deux, dans lequel je proposais (et élaborais) un changement important dans les façons de gérer l’institution. Même si le sujet était controversé, le seul commentaire de la part des membres concernait la ponctuation de mon texte.

Cela nous mène au cœur du défi de l’immigrant à franciser : la ponctuation et les genres, illustrations parfaites de la complexité et de la logique parfois tordue de la langue française. Avouez-le, vous aussi trouvez ça parfois difficile, écrire un texte impeccable sans avoir accès à un de vos dictionnaires.

Lors des dernières années de ma carrière, entouré de collègues tous titulaires de diplômes universitaires, je constatais que ces derniers, plus que moi, avaient des difficultés avec les accords et la conjugaison des verbes.

Dirk Kooyman

Parmi les grands dossiers que j’ai eu à gérer figurait la mise sur pied d’un centre de francisation des immigrants. Il va de soi que je n’y enseignais pas et que le vrai travail, dont le développement des cours, était fait par des gens compétents dans la matière. Néanmoins, j’ai acquis une grande appréciation tant pour la francisation des immigrants que pour leurs efforts afin de hausser leur compétence linguistique à un niveau adéquat pour leurs qualifications et leurs ambitions professionnelles.

Maintenant, après 30 ans passés au Québec, j’apprends que mon certificat de sélection me permettra finalement de me franciser. Un avantage certain, comparé à tous ces Québécois qui n’ont pas été sélectionnés, pour la simple raison que leurs ancêtres séjournaient déjà ici. Ne craignez rien, je ne vous regarderai pas de haut après ma francisation à venir. Mais, quand j’entends le ministre Jolin-Barette annoncer que sa proposition permettra « d’élargir l’offre d’accès » aux cours de francisation, mais « qu’on attendra que la fin de session se termine », il y a du rattrapage à faire, et ce, pas seulement par les immigrants.

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