Le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge était tout fier ces derniers jours de publier sur son compte Twitter une photo de lui accompagné de Malala Yousafzai, cette jeune Pakistanaise lauréate du prix Nobel de la paix pour, au péril de sa vie, avoir défendu le droit à l’éducation des jeunes filles dans son pays.

Pourtant, il fut inondé de commentaires laissant entendre qu’à la suite de l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État par Québec, cette jeune fille portant le voile ne pourrait même pas enseigner dans nos écoles primaires et secondaires. À cela, le ministre Jolin-Barrette responsable de la loi, et lui-même par la suite, ont répondu qu’elle le pourrait, mais à condition de ne pas porter son voile pendant la prestation de travail.

Ces réponses des ministres ne surprennent pas. Elles sont conformes à la loi qui vient d’être adoptée. Cependant, bien qu’elles soient justes et fermes, il faut quand même se dire qu’elles sont plutôt plates et même archiplates parce qu’elles illustrent que, selon nous, Québécois et Québécoises, l’identité religieuse d’une personne, manifestée par le port d’un signe religieux, peut être réglementée par la loi et donc interdite si on la paie pour un travail, en fait pour les services qu’elle rend à la société en vertu de ses compétences. On te paie, tu te découvres !

Bref, j’espère que jamais Malala Yousafzai ne postulera pour enseigner chez nous, parce que l’obliger à retirer son voile, donc ainsi l’humilier devant le monde entier, ne nous aiderait pas comme société dite civilisée.

Faire comme au Québec

De dire qu’en France, république laïque, selon le ministre Jolin-Barrette, on ferait la même chose est une bien pauvre excuse parce que nous n’avons pas la même histoire. Qu’il suffise de rappeler qu’ici, le rapport historique que l’Église catholique a entretenu avec l’État n’a jamais été de l’ordre de la concurrence, mais plutôt de la complémentarité pour aider un peuple plutôt pauvre à se donner des services minimaux en éducation et en santé.

Et quand, dans ces domaines, l’État a été enfin capable de prendre la relève dans les années 60 avec l’équipe au pouvoir de Jean Lesage, c’est avec ouverture et coopération que l’Église et les religieux, en abandonnant peu à peu leurs costumes, se sont adaptés et sécularisés tout au long de la Révolution tranquille, favorisant ainsi une laïcisation également tranquille de l’État sans qu’il eût été nécessaire pour celui-ci de proférer des interdictions en adoptant une loi comme cette loi 21. Alors, je dis à monsieur Jolin-Barrette : avec cette loi, vous avez raison, nous faisons comme en France, mais pas comme au Québec. Et je lui dis aussi qu’il y aurait d’autres façons de déclarer officiellement la laïcité de l’État. Et je lui dis, en conclusion, qu’il faudrait revoir la pertinence de cette loi 21 rapidement.

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