En annonçant cette semaine, en marge d’un coup de barre qui s’imposait au Fonds vert, l’abolition de Transition énergétique Québec (TEQ), le gouvernement Legault semble avoir pris le parti de ralentir les ardeurs de la seule instance actuellement susceptible de nous inspirer confiance en matière de transition.

Alors que la mobilisation de la société est croissante, alors que les meilleures pratiques sont claires, que les experts sont disponibles et que des propositions pour mettre en place des structures qui fonctionnent ont été présentées, le gouvernement décide de nier la science mise à sa disposition et de construire plutôt une proposition sur un coin de table afin de satisfaire une idéologie déplacée. La transition doit impliquer tous les secteurs de la société, et c’est une erreur de la réduire à la stricte électrification, encore moins de la seule autorité du ministère des Ressources naturelles et de l’Énergie.

Sans soumettre l’ombre d’un plan qui puisse nous rassurer sur sa capacité à assumer la nécessaire maîtrise d’œuvre de l’État pour coordonner la nécessaire transition à laquelle nous sommes conviés, le gouvernement nous donne encore une fois un exemple de son incapacité à répondre de façon convaincante à l’urgence climatique par un projet crédible qui permette l’atteinte de nos cibles. Monsieur Legault, ça ne pourra pas éternellement être la faute aux libéraux. Vous vous posez en homme de résultat ?

Le moins qu’on puisse dire, c’est que vos premiers gestes concrets semblent plutôt relever d’une improvisation vouée à l’échec.

Un an après l’annonce de son plan directeur, le premier plan de transition énergétique de l’histoire du Québec, et malgré les limites de son mandat, TEQ entrait maintenant dans une phase qui allait bientôt nous permettre de mesurer sa capacité à remplir ses engagements : dévoilement des plans d’action, méthodes de quantification et de reddition de la réduction de GES prévue dès l’automne, préparation d’études de cycle de vie des filières énergétiques, accompagnement technique et soutien financier pour de nombreux projets porteurs de sens, et plusieurs autres actions, dont un partenariat avec l’une des meilleures organisations de transition énergétique au monde (entente de partenariat et de collaboration avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), en France, qui venait tout juste d’être signée, le 6 juin dernier). C’est maintenant le retour à la case départ, avec gaspillage de temps et d’argent à la clé !

La dynamique que TEQ a réussi à créer risque maintenant de tomber à plat et il est permis de questionner la pertinence de couper les ailes de cette organisation en plein essor. Les forces vives de la transition n’auraient-elles pas dû être plutôt regroupées sous l’égide de TEQ ? Rappelons que le Plan directeur de TEQ est responsable de plus de 60 % des réductions de GES en n’utilisant que 18,5 % des réserves du Fonds vert. N’est-ce pas là une énorme contradiction que, sous couvert de pragmatisme et d’efficacité, on change de structure, avec toute la lourdeur administrative que cela implique et que, ce faisant, on jette le bébé (TEQ) avec l’eau du bain (Fonds vert) ?

Le gouvernement de la CAQ ne peut visiblement concevoir de laisser TEQ, créature des libéraux, demeurer indépendante en tant que société d’État. Il est déplorable de voir les questions partisanes demeurer au premier plan, dans un contexte d’urgence climatique. Huit mois après son élection, combien de temps la CAQ perdra-t-elle encore avant de proposer des mesures concrètes, mesurables, pragmatiques ?

Nous avons salué les récentes prises de position du gouvernement lorsqu’il a annoncé son intention de faire de l’électrification son cheval de bataille pour la transition.

En embrassant une vision qui établit clairement la priorité à accorder au transport, à l’industrie et au bâtiment, le premier ministre Legault a réitéré en mai dernier les trois principaux chantiers identifiés par TEQ dans son plan directeur. La vision défendue avec rigueur et détermination par Johanne Gélinas, responsable de TEQ, avait la qualité de déborder largement l’électrification en faisant notamment de la sobriété énergétique, de l’innovation et de l’économie circulaire des vecteurs importants de la transition.

Quel signal le gouvernement nous envoie-t-il par cette surprenante décision ? En gros : attendez que le gouvernement achève son rattrapage en matière de lutte contre le réchauffement climatique, attendez qu’il réfléchisse à la façon de modifier les structures avant d’investir dans la transition, patientez avant de créer les innovations utiles à la décarbonisation de notre économie. En matière de pragmatisme, on repassera !

Il est contre-productif, à ce stade, de démobiliser les forces vives qui sont déjà à l’œuvre, en mode solution. Dans l’attente d’un plan crédible qui donne enfin la voie à suivre, nous perdons non seulement un organisme indépendant rigoureux et un moteur performant, inspiré des meilleures pratiques, mais aussi un temps précieux. De grâce, cessons de tergiverser et affairons-nous à concentrer nos efforts plutôt qu’à les disperser.

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