Le Mouvement moderne est un courant artistique d’avant-garde né en Europe au début du XXe siècle à la suite des profonds bouleversements provoqués par la Révolution industrielle.

Le terme s’appliquait d’abord aux arts, mais avec l’ouverture de l’école allemande du Bauhaus en 1919, on l’associe graduellement à l’architecture. Cette architecture moderne est fonctionnaliste et minimaliste, et met en valeur les volumes par des surfaces lisses et sans ornementation, en rupture totale avec les styles du passé. Elle tire profit du développement des techniques, de la production de masse et des nouveaux matériaux comme l’acier, l’aluminium, le béton et le verre.

Avec la montée du nazisme, plusieurs artistes fuient l’Europe au début des années 30 et trouvent asile en Amérique. Parmi eux, l’architecte Ludwig Mies van der Rohe (appelé affectueusement Mies) qui s’établit à Chicago. En 1932, le Musée d’art moderne de New York monte une exposition sur les travaux du Bauhaus pour les faire connaître au public américain. C’est dans le catalogue d’exposition, rédigé en partie par l’architecte Philip Johnson, qu’apparaît pour la première fois l’expression « style international », qui a rapidement été adoptée pour désigner la composante architecturale du Mouvement moderne. Ce n’est cependant que dans les années 60 qu’il prend véritablement son envol et s’implante partout dans le monde.

Il règne à ce moment un climat de tension et une volonté de changement qui favorisent les nouvelles idées (Mai 68, la Révolution tranquille).

La société qui a soif de modernité adopte alors ce courant qui offre une réponse adéquate à ses aspirations. Il permet d’illustrer une idée du progrès selon laquelle l’individu est universel et rejette les espaces bâtis traditionnels, les jugeant inaptes à répondre aux besoins modernes. 

LE MUR-RIDEAU 

Le mur-rideau est une composante indissociable du style international qui valorise la transparence, la nouveauté, le progrès, l’industrialisation. Le terme désigne un système de façade mince, légère et non porteuse (les murs extérieurs ne soutiennent pas le poids de l’édifice). Il est composé de matériaux comme le verre, l’aluminium ou l’acier, que les modes de production industriels ont rendus accessibles après la Seconde Guerre mondiale.

Les murs-rideaux apparaissent à Montréal dans les années 50, d’abord sur de petits bâtiments. Les tours CIL, CIBC et Place Ville Marie (PVM) innovent en l’utilisant sur de très grandes surfaces. L’entreprise québécoise Alcan a activement participé à l’élaboration des premiers murs-rideaux du Québec, en particulier sur celui de PVM. 

LE WESTMOUNT SQUARE (1965-1968)

Ludwig Mies Van der Rohe, architecte, Chicago, avec Greenspoon, Freedlander Plachta et Kryton, architectes, Montréal, architectes associés 

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le Westmount Square

Depuis son inauguration en 1968, le complexe Westmount Square a défrayé la chronique à plusieurs reprises, souvent à la suite de l’annonce de travaux de rénovation. Chaque fois, les passions se déchaînent et architectes et défenseurs du patrimoine descendent dans la rue pour protester, car on s’inquiète que l’œuvre du maître soit dénaturée. Rarement a-t-on vu à Montréal une si grande mobilisation pour la sauvegarde d’un élément du patrimoine moderne. 

PHOTO MICHEL GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Le Westmount Square en 1983

Le Westmount Square est, à n’en point douter, une pièce d’anthologie. Le seul fait qu’il ait été conçu par Mies, dont c’était la première réalisation au Canada, est déjà digne d’intérêt.

Rappelons qu’avec Le Corbusier et Frank Lloyd Wright, Mies fait partie de ceux dont l’influence sur l’architecture mondiale du XXe siècle a été la plus significative. Certains le considèrent comme le maître du style international. Le Westmount Square est aussi le premier complexe multifonctionnel au Canada à intégrer de l’habitation, et le seul conçu par Mies dans toute sa carrière. Véritable ville dans la ville, on pouvait y vivre, y travailler et s’y divertir sans en sortir !

L’ensemble se compose de trois grandes tours déposées sur un podium. Deux des tours abritent des appartements de luxe et la troisième contient des bureaux. Le podium contenait quant à lui une galerie marchande, une salle de cinéma et un stationnement souterrain. La clientèle visée était aisée ; le centre commercial était considéré comme l’une des adresses les plus luxueuses de la métropole, avec des boutiques telles que Hermès, Pierre Cardin, Cacharel, Lanvin, etc. 

L’importance de Mies à Montréal va encore plus loin. Nous pouvons en effet être fiers de posséder une autre œuvre de Mies unique au monde : l’ancienne station-service Esso de l’île des Sœurs. Mies n’en a jamais conçu ni construit aucune autre.

Et ce n’est pas tout : l’architecte ayant relativement peu construit, peu de villes en Amérique peuvent s’enorgueillir d’avoir un Mies sur leur territoire.

À part Chicago, Montréal est celle qui en compte le plus. Mies a dessiné six projets pour Montréal, dont cinq ont été construits. 

Outre le Westmount Square et la station-service, trois tours d’habitation portent la signature du grand maître dans l’île des Sœurs (High Rise Apartment Blocks 1, 2 et 3, rues Corot et de Gaspé). Notez que New York n’en a qu’un : le Seagram Building – qui a été classé monument historique par la Ville en 1989, soit dit en passant. Fait intéressant, l’histoire du Seagram Building est en quelque sorte liée à Montréal. C’est Phyllis Lambert, la fille du propriétaire de Seagram, qui a réussi à convaincre son père d’engager Mies pour concevoir le siège social de l’entreprise familiale à New York ! Mme Lambert est architecte et elle a eu la chance de travailler avec Mies. 

LA TOUR TELUS (1959-1962)

630, boul. René-Lévesque Ouest Skidmore, Owings & Merrill, New York, avec Greenspoon, Freedlander & Dunne Architectes, Montréal, architectes associés 

PHOTO TIRÉE DE WIKIPÉDIA

La tour Telus

Vous serez peut-être surpris de voir la tour Telus figurer parmi les icônes du centre-ville. Il est vrai qu’au premier abord elle semble discrète, mais cette tour élégante et intemporelle a ses petits secrets qui justifient sa place dans l’histoire de l’architecture moderne montréalaise.

Érigée dans le nouveau cœur économique de Montréal, celle qui s’appelait autrefois la tour CIL fait partie de la première vague de constructions modernes dans le « boulevard des gratte-ciel ».

Ces nouveaux édifices d’apparence lisse et dépourvus d’ornement contrastaient fortement avec leurs voisins de pierres de facture beaucoup plus traditionnelle. 

L’édifice est l’œuvre de la réputée firme américaine Skidmore, Owings & Merrill (SOM), qui a conçu 10 ans plus tôt la Lever House à Manhattan. Les architectes de SOM maîtrisent les codes du style international, et selon certains critiques, la Tour CIL en est un exemple parfait. Ils la comparaient même au fameux Seagram Building de New York (Mies van der Rohe, 1958), pionnier et référence en la matière. Les similitudes sont frappantes tant par la forme de l’édifice que par ses matériaux, ou encore le recul par rapport à la rue, inusité à l’époque. 

SOM est aujourd’hui une des plus grandes entreprises de design du monde, avec 10 000 projets dans 50 pays. À Chicago, on retrouve leurs célèbres Willis Tower (Sears Tower) et le John Hancock Center, et à Dubaï, le Burj Khalifa, plus haute tour du monde. 

En 1962, la tour Telus se classait au 4e rang des plus hautes tours du Commonwealth. Et comme PVM et la tour CIBC occupent respectivement le premier et le deuxième rang du même palmarès, Montréal devient donc en 1962 la ville qui regroupe trois des quatre plus hautes tours du Commonwealth !

Greenspoon, Freedlander & Dunne : la firme a une production diversifiée, incluant habitations, édifices de bureaux, édifices religieux, etc. On les retrouve aussi sur les projets de la Place Victoria et du Westmount Square. 

DEMAIN

Les deux prochaines icônes sont l’édifice Jean-Lesage (siège d'Hydro-Québec) et l’hôtel Château Champlain. Il sera également question de certains outils utilisés par les architectes lorsqu’ils conçoivent les bâtiments.

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