Santé Canada publiera sous peu sa nouvelle réglementation encadrant le secteur du cannabis comestible. Telle que proposée, elle se butera à de nombreux défis notamment en termes de cohérence avec le secteur alimentaire et les moyens mis à la disposition des entreprises pour accéder à ce marché.

L’industrie de la transformation alimentaire est l’un des secteurs manufacturiers les plus réglementés au Canada. La santé et la sécurité du public dépendent effectivement d’un encadrement strict permettant aux consommateurs canadiens de se nourrir en toute quiétude.

Plusieurs lois et règlements encadrent actuellement la transformation alimentaire. La Loi sur la salubrité des aliments et la Loi sur les aliments et drogues contiennent les principales dispositions législatives relatives à l’innocuité et à la qualité nutritionnelle des aliments vendus sur le territoire canadien. L’ajout du règlement concernant les nouvelles catégories de cannabis et qui sera proposé sous peu vient complexifier les définitions et l’application des inspections.

En effet, la nouvelle réglementation encadrant le cannabis comestible propose que l’aliment ne soit plus considéré comme tel, mais plutôt comme du cannabis. Au sens de la Loi sur les aliments, « tout article fabriqué, vendu ou présenté comme pouvant servir de nourriture ou de boisson à l’être humain [...] ainsi que tout ingrédient pouvant être mélangé avec un aliment à quelque fin que ce soit » est un aliment.

À l’heure actuelle, au Canada, le système d’inspection des aliments est assuré par l’Agence canadienne d’inspection des aliments dont la rigueur est reconnue internationalement. Avec la réglementation proposée sur les nouvelles catégories de cannabis, ces inspections seraient dorénavant assurées par Santé Canada, qui n’a pas l’expertise nécessaire sur la transformation alimentaire et en sanitation d’usine alimentaire. De plus, ce fonctionnement entraînera un dédoublement inutile d’utilisation de ressources humaines et matérielles.

Les bienfaits du CBD

Lors des consultations sur ces nouvelles catégories de cannabis, tenues en janvier et février dernier, plusieurs acteurs ont demandé à ce que Santé Canada fasse la distinction entre le CBD et le THC, en se basant sur l’énoncé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a officiellement statué en juin 2018 qu’« aucun cas d’abus ou de dépendance n’a été rapporté en relation avec l’utilisation de CBD pur et aucun problème de santé publique n’y a été associé ».

De plus, la proposition fédérale impose une limite pour la quantité disponible de THC par unité de vente, mais aucune limite pour le CBD n’est évoquée. Dans ce contexte, les produits alimentaires infusés avec du CBD représentent une occasion unique pour nos entrepreneurs de développer des produits de bien-être de qualité grâce à leur créativité et leur ingéniosité tout en restant régi par un encadrement réglementaire ayant également fait ses preuves dans la fabrication d’aliments.

Il serait ainsi logique d’inclure les cannabinoïdes non psychoactifs dans un régime d’exception, toujours assujetti à la Loi sur le cannabis, qui permettrait de produire des aliments contenant du cannabis sans que ces produits ne soient soumis aux restrictions commerciales imposées par Santé Canada.

Rappelons que les produits comestibles infusés au cannabis n’ont pas comme seul objectif le marché récréatif, mais qu’il s’agit aussi d’une façon d’administrer du cannabis médical et thérapeutique aux personnes qui ne peuvent pas inhaler le cannabis ou qui choisissent de ne pas le faire.

Bâtiment réservé

Récemment, Santé Canada a émis une clause réglementaire exigeant que les nouveaux demandeurs de licences de culture, de transformation ou de vente de cannabis aient un site consacré au cannabis pleinement construit avant le dépôt de la demande. Cette nouvelle disposition semble avantager les entreprises à grande capitalisation au détriment des PME. Cela engendre pour les demandeurs de licences des délais incohérents avec la volonté gouvernementale de sortir le cannabis du marché illicite.

Le secteur de la transformation des aliments est un acteur incontournable dans la mise en œuvre d’une réglementation canadienne sur le cannabis. Le Conseil québécois du cannabis comestible demande au gouvernement de mettre en place un groupe de travail permanent qui inclurait l’industrie, dont le mandat serait d’ajuster les aspects réglementaires afin de mieux les adapter à la réalité des transformateurs.

Le gouvernement doit miser sur l’expertise des transformateurs alimentaires dans la gestion des différentes exigences de salubrité et de sécurité alimentaire plutôt que de vouloir réinventer la roue.

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