La mairesse de Montréal est en commission parlementaire aujourd’hui sur le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État.

Depuis une dizaine d’années, l’encadrement de l’application de la laïcité au Québec a fait couler beaucoup d’encre. C’est pourquoi je tiens d’emblée à dire que la volonté du gouvernement d’enchâsser dans la loi la laïcité du Québec est louable, en plus d’être sa prérogative. Bien que nos institutions et nos lois soient déjà laïques, on peut féliciter le gouvernement de réitérer cet aspect fondamental qui régit notre société.

C’est dans cet état d’esprit que la Ville de Montréal souhaite contribuer de manière positive au façonnement de cette loi qui aura un impact important partout au Québec et particulièrement à Montréal.

Rappelons que la métropole du Québec est une terre d’accueil qui s’est construite grâce à de nombreuses vagues d’immigration. Montréal ne serait pas aussi dynamique et prospère sans l’apport inestimable de toutes celles et tous ceux qui ont choisi notre ville pour y travailler, y investir et y voir grandir leur famille. Au fil du temps et des époques, chaque personne qui y a élu domicile a amené dans son bagage des recettes familiales, des berceuses dans la langue du pays, des souvenirs personnels, des rites religieux peut-être, des vêtements traditionnels qui sait, mais surtout, l’espoir d’une vie nouvelle.

C’est à elles et à eux que je pense quand je m’oppose à l’interdiction du port de signes religieux pour certains types d’emplois.

Je crois fondamentalement dans la force de nos institutions et de nos lois laïques. Si fort qu’il m’est difficile d’accepter de restreindre des droits et libertés individuels. Si fort que je considère qu’il est de notre devoir de protéger les minorités qui composent notre société, qu’elles soient des minorités sexuelles, linguistiques, culturelles ou religieuses. Parce que je crois profondément que la diversité, quelle que soit sa forme, contribue à notre société.

Lors de ma présence en commission parlementaire, je parlerai avec fierté de cette diversité qui a vu naître et qui fait battre le cœur de Montréal. Je parlerai des gens qui composent ce tissu social riche et bigarré. J’aurai en tête et à cœur les Montréalaises et Montréalais qui craignent l’application du projet de loi sous sa forme actuelle. J’aurai aussi en tête et à cœur celles et ceux qui sont d’accord, en partie ou entièrement, avec le projet de loi.

Isabelle, Nour, Jacques...

Je penserai à Isabelle, une amie de longue date avec qui j’ai fait mes études, qui m’a dit souhaiter l’adoption de ce projet de loi pour passer à autre chose, tout en mentionnant être contre l’idée d’y inclure les enseignantes. Je penserai aussi à Nour, une étudiante en droit, qui m’a écrit pour me dire que son rêve de devenir procureure était sur le point de s’écrouler avec ce projet de loi. Il y a aussi Jacques, un ingénieur en transport collectif, qui m’a exprimé sa fierté du fait que ses enfants âgés de 8 et 11 ans fassent partie de cette grande diversité montréalaise : « C’est vrai que ça se passe bien à Montréal », m’a-t-il dit. Et Nabila, qui m’a raconté son histoire dans son pays d’origine et dit qu’elle est si heureuse ici, parce que la religion est là où elle devrait être, à la maison.

Dans les dernières semaines, j’ai pris le temps d’écouter les gens pour, les gens contre, mais aussi toutes les nuances que nous entendons malheureusement trop peu dans ce débat polarisé.

J’ai lu, j’ai écouté et j’ai entendu vos messages. Lorsqu’ils étaient respectueux, j’ai pris le temps de vous répondre, parce que votre opinion compte. Chaque fois, je vous ai répondu en étant la plus honnête possible dans le contexte actuel de haute tension, et ce que je vous ai répondu pourrait se résumer ainsi : le gouvernement disposera de ce projet de loi comme il l’entend, et je respecterai sa décision. D’ici là, je ferai tout en mon possible pour amener la perspective qui, même si elle est peut-être moins consensuelle, est celle à laquelle j’adhère : celle d’une société qui défend les droits et libertés individuels de toutes et de tous, dans un État laïque fort et fier.

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