Il faut régler la question vaccinatoire. Pas la question épistémique : pour qui connaît minimalement l’histoire et est capable d’analyser des données, celle-là est réglée depuis longtemps. Ce qu’il s’agit de régler, c’est la question sociale de la vaccination.

Car le refus de la vaccination est devenu rien de moins que le fer de lance de la méfiance envers ce qu’on pourrait appeler le « complexe scientifico-industriel ». Cette méfiance révèle une rupture entre l’académie et la société civile. Et parce que les académiciens n’ont pas de formation spécifique en communication, encore moins en sociologie, certains ne constatent pas l’ampleur du fossé et ne font que continuer à le creuser quand ils débattent avec les mêmes arguments qu’ils utilisent entre eux.

J’ai publié dans ces pages, le 13 mars 2019, une lettre ouverte intitulée « Pour que la science puisse continuer à mordre »*. Je m’y portais à la défense du Pharmachien, probablement le plus grand accessibilisateur (ma version, moins dégradante pour les destinataires du message, de « vulgarisateur ») des disciplines de la santé du Québec contemporain, forcé à faire profil bas par des menaces et des insultes envers lui et sa conjointe. Cette lettre-là a facilement trouvé des cosignataires parmi mes collègues universitaires. Celle-ci en trouverait probablement un peu moins aisément. Elle est pourtant, à mon sens, encore plus nécessaire que l’autre.

Aimant à doute

On remarquera le recadrage sémantique d’un titre à l’autre. Il est volontaire. C’est qu’à l’heure où le concept de « science » est dans certains cercles devenu rien de moins qu’un épouvantail — un déclencheur de suspicion, un aimant à doute —, je ne saurais proposer mieux que de s’en débarrasser. Même la fameuse « méthode scientifique », si on donnait un coup de balai sur la poussière qui la recouvre, pourrait bien révéler que rien ne se cache en dessous.

Ce sur quoi il s’agit surtout d’insister, c’est sur la logique. C’est elle qui est la structure de la pensée humaine.

Ce sont ses règles qu’il faut appliquer et respecter si nous voulons trouver des réponses justes à nos questions. Ce qu’il s’agit de démontrer, c’est que l’expérimentation en laboratoire n’est que la suite de l’expérience quotidienne par d’autres moyens. Elle est ce qui arrive quand on veut créer des expériences peu susceptibles de se produire spontanément, en grande quantité et rapidement, pour pouvoir produire sur leur base des théories intéressantes. Très loin de l’image du savant fou jouant avec des forces qui le dépassent.

Je veux que le débat puisse se faire avec autant de mordant que celui que provoque le Pharmachien. Mais je veux surtout qu’ultimement, nous soyons capables de nous entendre.

Il n’y a que par l’entente la plus large possible, jusqu’à viser le consensus qui est l’entente de tous avec tous, qu’on pose des bases solides au vivre-ensemble et qu’on s’assure de travailler tous dans la même direction — dans le cas vaccinatoire : celle de la lutte contre les maladies pathogènes et de l’extension de la quantité et de la qualité de la vie humaine.

Dans cette optique, le rôle des académiciens devrait surtout être de se faire promoteurs de la logique. Plutôt que de ressasser des arguments d’autorité comme ils le font actuellement, il leur faudrait veiller à la compréhension populaire du fonctionnement de la recherche, de la valeur des données épidémiologiques, de ce qu’est une statistique, etc. Au-delà du savoir, ce dont ils sont les experts, c’est des conditions qui font qu’un savoir peut être dit solide. C’est cette solidité qu’il s’agit d’établir pour rétablir la confiance de ceux qui n’osent plus y « croire » – entre autres parce qu’ils ont l’impression que tout savoir n’est question que de croyance.

Logiciens de tous les pays, expliquons mieux !

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