Quand j’ai discuté avec mon ami Charles Plourde, qui réalisait mon émission de radio La nature selon Boucar, à l’étage des soins palliatifs du CHUM samedi dernier, il avait encore de petites réserves d’énergie pour m’exprimer de façon très émotive ses angoisses, ses peines et ses regrets. Nous avons échangé beaucoup de larmes, mais aussi quelques rires, car Charles aimait rigoler. À 36 ans, il a été emporté jeudi par un cancer du cerveau, laissant derrière sa blonde et leurs trois jeunes enfants. 

Si je devais vous résumer qui était Charles, je vous dirais que c’était un des gars les plus joyeux, passionnés et attentionnés que j’ai rencontrés dans ma vie. Il était amoureux de son Lac-Saint-Jean, dont il était un grand ambassadeur. La disparition de celui que je considérais comme un jeune frère me bouleverse profondément. Je suis triste pour ses enfants et pour sa blonde, qui se fait aussi traiter pour un cancer. Je veux dire sa blonde qui vit en silence une autre traversée du désert totalement occultée par le cas plus dramatique de mon chum. Deux cancers dans la même famille, en même temps, sous le regard de trois jeunes enfants. Que la vie peut être chienne, parfois !

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Charles Plourde

Quand arrivent des drames de cette ampleur, on ne peut s’empêcher de se poser la question des questions : « Pourquoi lui qui était dans la fleur de l’âge et dont les enfants avaient encore grandement besoin de leur papa ? »

Cette question, on se la pose tous, mais elle est sans réponse.

Dans le contrat utérin que les parents font signer au bébé à venir, il y a, écrit en minuscules caractères, une clause indiquant que chacune de nos respirations en sera une de moins sur le chemin de la mort.

Le problème est qu’on ne sait pas quand et comment arrivera la grande faucheuse. Un biologiste comparait l’existence humaine à une promenade sur un terrain où il pleut des briques. La probabilité d’en recevoir une mortellement est présente à tout âge. J’ajouterai à cette image déjà fataliste que tant qu’on est jeune, le poids et la densité des blocs semblent moindres, d’autant que notre énergie et notre agilité nous préservent de leur impact. Quand on vieillit, ces briques paraissent prendre du volume et arriver de plus haut ; aussi, la probabilité d’en recevoir une tonne sur le ciboulot s’accroît.

Voilà la grande malchance qui a frappé mon ami Charles à un âge si jeune.

Si vieillir donne à beaucoup d’entre nous la frousse, mourir trop tôt a toujours provoqué un sentiment de grande injustice existentielle chez les Sapiens que nous sommes.

Comme l’a déjà écrit mon ami Louis-François Grenier, qui travaille avec nous dans l’émission que Charles réalisait, la vieillesse est l’une des rares choses que l’on craint et que l’on souhaite en même temps, comme une espérance de vie éternelle qui nous oblige à accepter l’arrivée des petits bobos pour retarder le grand départ.

Personne n’a envie d’être arraché à cette terre pour aller manger les pissenlits par la racine, mais il faut bien accepter de se flétrir un peu et de se faner légèrement, car c’est encore le seul moyen de ne pas partir dans la fleur de l’âge.

Champion incontesté de l’organisation, après avoir demandé l’aide médicale à mourir, Charles avait pris le temps d’écrire un mot sur sa page Facebook, choisi son heure de départ et proposé à ceux qui voulaient l’accompagner de boire un verre de bière rousse vers 14 h 30.

Nous étions nombreux à trinquer dans la tristesse au studio 12 de la grande tour de Radio-Canada pour souligner le départ du talentueux réalisateur, idéateur et passionné de radio qu’il était.

Au-delà des vidéos de party avec les enfants sur mon téléphone, des émissions de radio, des réunions avec Lyne dans ton bureau et de la tonne de courriels échangés qui dorment dans mon ordinateur, il restera les souvenirs impérissables d’une belle complicité. Il restera aussi ce « embrasse ta blonde et tes enfants ! » que tu m’as répété entre deux soupirs comme pour me rappeler que la vie et la santé sont bien plus fragiles qu’on le croit.

Pendant que l’humain organise des projets, il arrive que, tapis dans l’ombre, la maladie et la mort lui en préparent d’autres. Parlant de la mort, mon grand-père disait qu’injuste et sans pitié, elle secoue et déstabilise les hommes un peu comme le vent agite et fragilise les arbres. Nous sommes nombreux, collègues, amis et famille, à être fortement secoués par ton départ, Charles !

Mes sincères condoléances à ta famille !

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