Là où les religions orientales comme le bouddhisme se contentaient de prôner le détachement des choses d’ici-bas pour mieux se concentrer sur la préparation d’une vie dans l’au-delà, le christianisme misera à la fois sur l’au-delà, mais également sur un monde terrestre meilleur.

Le christianisme apparaîtra alors comme une religion beaucoup plus complète et à l’image de ce que nous voulons. N’est-ce pas là son génie particulier ? Savoir satisfaire aussi bien nos attentes spirituelles que terrestres.

La popularité d’une activité d’origine chrétienne comme la guignolée, par exemple, est basée sur ce compromis : favoriser une plus grande solidarité humaine en ce qui a trait aux nécessités de la vie tout en nous promettant le paradis à la fin de nos jours.

En ce sens, le christianisme constitue une véritable révolution par rapport aux autres religions. C’est d’ailleurs ce qui expliqua son essor fulgurant.

On se rappellera toutefois comment, sous le joug romain, les premiers chrétiens se voyaient sans cesse confrontés à l’extermination. Face à ce pouvoir où les puissants et les riches de l’empire faisaient la pluie et le beau temps, le christianisme se devait de trouver rapidement un stratagème qui lui permettrait de survivre.

Il fallait favoriser une attente spirituelle chez les nouveaux fidèles tout en ne nuisant pas aux dirigeants.

Mais comment accepter l’iniquité sociale régnant alors dans la société romaine tout en promouvant d’autre part de hautes valeurs spirituelles ? On comprendra que pareil compromis n’était pas facile à faire !

Cela représentait pourtant une tâche urgente et nécessaire, tâche à laquelle se sont attaqués dès le IVsiècle ceux qu’on appellera plus tard les Pères de l’Église chrétienne.

Ménageant la chèvre et le chou, ceux-ci interprétèrent à leur façon la vie de celui qui était à l’origine du nouveau mouvement religieux, un certain Jésus dont on connaissait peu de chose, mais en qui certains juifs de l’époque avaient vu non seulement un modèle de résistance, mais surtout leur sauveur.

Un Dieu inoffensif politiquement

Par rapport au pouvoir de l’empereur Constantin, le nouveau Dieu que proposeront les Pères de l’Église se devra toutefois d’apparaître inoffensif politiquement. Aussi, contrairement au judaïsme traditionnel où la preuve de l’existence de Yahvé était garantie par la toute-puissance qu’il manifestait, ce nouveau Dieu se présentera plus discrètement et de façon insolite.

En effet, à travers l’exemple de la souffrance d’un fils disant se sacrifier pour la gloire de son père sur la croix, ils trouveront la clef de voûte de ce qui allait même progressivement devenir la religion de tout l’Empire romain.

En scrutant à la loupe les textes de l’Ancien Testament, ils en vinrent à la conclusion que ce personnage énigmatique crucifié 300 ans auparavant ne pouvait être autre que le sauveur annoncé dans la Bible, c’est-à-dire, selon eux, le fils de Dieu envoyé en mission sur Terre par son père.

Ce nouveau Dieu original existera non pas par son pouvoir absolu comme dans le judaïsme traditionnel, mais par sa générosité envers le genre humain, celle-ci se devant toutefois d’être garantie via ce Jésus le fils par une interaction constante avec les fidèles.

C’est alors que la bienfaisance divine, dont on avait longtemps douté compte tenu des atrocités existantes dans notre monde, deviendra une certitude et la pierre de lance de cette nouvelle religion. Tout comme ce Jésus, plus le fidèle compatira avec ses semblables, plus il consolidera sa proximité avec le nouveau Dieu en trois personnes du fils, du père et de l’Esprit saint tel que défini lors du concile de Nicée en 325 par ces dits Pères de l’Église chrétienne.

Misant sur l’aide à la souffrance des pauvres et des démunis, la nouvelle religion attirera alors des millions de fidèles pour qui tout acte charitable se transformera en une relation privilégiée avec leur Dieu.

Il serait donc illusoire de croire que l’assemblée chrétienne est imbue de grands principes humanitaires. À peine s’agit-il pour elle de suivre à la lettre les préceptes des fondateurs de l’Église.

Car tout comme à l’époque de l’empereur Constantin au IVe siècle, il s’agit moins de s’attaquer au pouvoir économique et politique que de s’assurer, par un soutien financier occasionnel aux démunis, de la soumission des pauvres face à celui-ci.

C’est ainsi que, dirigeant les fidèles sur le chemin de la compassion plutôt que celui de l’affrontement politique, les chefs de l’Église chrétienne purent s’acoquiner avec les différents pouvoirs politiques.

Tout en leur assurant de la sorte le paradis, ils assurent du même coup la pérennité du pouvoir en place, un pouvoir économique et politique qui leur permet également de consommer et de s’enrichir à volonté !

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion