En proposant d’allouer une partie de l’enveloppe qu’il consacrera aux hausses des salaires des employés de l’État aux emplois les bien moins rémunérés des secteurs les plus en demande au Québec, la CAQ adopte une approche qui permettra d’améliorer de façon importante les conditions des fonctionnaires les moins bien traités en termes salariaux.

L’offre sur cinq ans qui vient d’être présentée est basée sur une inflation anticipée de 9 % qui inclut toutefois une enveloppe de 2 % que les caquistes veulent allouer spécialement aux employés des secteurs qui nécessitent des ajustements importants. Il s’agit d’une enveloppe substantielle, environ 800 millions, qui devra être séparée entre les travailleurs qui en ont le plus besoin.

Concrètement, cela pourrait représenter des augmentations de plus de 6000 $ pour des travailleurs qui en font aujourd’hui 33 000 $. C’est énorme… et absolument requis.

Est-ce une stratégie pour obtenir le soutien de la population qui a toujours eu un faible pour les enseignants et les préposés aux bénéficiaires, ou une réelle prise de conscience des iniquités profondes qui existent aussi dans la fonction publique ? Quelle que soit la réponse, nous ne pouvons qu’applaudir à l’impact que cet ajustement aura chez les fonctionnaires les moins nantis.

Prenons pour exemple la profession d’enseignant. Les écarts salariaux sont si grands entre un nouvel enseignant et un enseignant avec 15 ans d’expérience qu’ils entraînent un découragement hâtif. Les nouveaux enseignants qui quittent la profession dans les cinq premières années sont légion. C’est un véritable fléau. Comprenez-moi bien, la profession d’enseignant est très importante et doit être valorisée à tous les égards. Mais comment peut-on justifier un écart aussi important pour un travail similaire ?

Très rares sont les emplois qui présentent un écart aussi important pour un travail identique. Il n’est pas question de réduire le salaire des niveaux les plus élevés ; par contre, si tous les échelons reçoivent une hausse couvrant l’inflation, n’est-ce pas une bonne chose de chercher à réduire les écarts incompréhensibles présents au bas de l’échelle avec une enveloppe additionnelle ?

ILLUSTRATION LA PRESSE

« La CAQ adopte une approche qui permettra d’améliorer de façon importante les conditions des fonctionnaires les moins bien traités en termes salariaux », juge notre collaborateur.

Le gouvernement est à la recherche de milliers de travailleurs pour pourvoir des dizaines de milliers de postes. Aux 45 000 préposés aux bénéficiaires actuels, le gouvernement cherche à en ajouter 32 000. Les départs précipités des nouveaux enseignants jumelés à l’arrivée des prématernelles 4 ans mettent aussi énormément de pression sur le recrutement de ces types d’emplois. Une augmentation des premiers paliers salariaux est une nécessité.

Les syndicats ont raison : d’autres secteurs que l’éducation et l’assistance aux bénéficiaires nécessitent aussi des ajustements importants. Ils auraient tout avantage à travailler avec le gouvernement à décider comment une enveloppe de mise à niveau des conditions salariales des employés les moins favorisés devrait être répartie plutôt que de se battre pour maintenir le sacro-saint principe d’égalité lors des négociations.

Dix pour cent de croissance pour quelqu’un qui gagne 40 000 $, ça fait 4000 $. Et 8000 $ pour quelqu’un qui fait 80 000 $. Il semble que certains soient plus égaux que d’autres. Il est peut-être temps pour les syndicats de procéder à un ressourcement et de réfléchir à l’avenir syndical à l’extérieur d’un corporatisme convenu, dans une perspective de partenariat au bénéfice du bien commun.

Oui, le Québec est l’un des endroits sur la planète où les iniquités sont les moins importantes, mais ce n’est pas une raison pour réduire la cadence du progressisme.

Plus de la moitié des Québécois n’ont pas suffisamment d’épargne pour faire face à leurs obligations plus de deux semaines s’ils perdent leur emploi. La moitié des Québécois ne possèdent pas de REER et devront vivre de leurs seuls chèques de pensions provinciale et fédérale, qui représentent aujourd’hui en moyenne 1800 $ par mois.

Le gouvernement caquiste n’a jamais caché ses ambitions de s’attaquer à la productivité des fonctionnaires. Il a souvent mentionné vouloir s’attaquer à des acquis qui touchent parfois négativement des secteurs, comme l’ancienneté dans le milieu de l’enseignement. Parlez-en aux nouveaux enseignants à qui l’on remet les classes les plus compliquées et les horaires raboutés.

L’objectif de l’enveloppe destinée au rattrapage, s’il est atteint, entraînera une hausse salariale importante chez des dizaines de milliers de travailleurs. Ça aura comme conséquence de créer une pression supplémentaire sur les entreprises qui comptent sur des salaires très bas — dépanneurs, restauration rapide, etc. — et les obligera fort probablement à augmenter leurs propres échelles salariales. De fait, le salaire à 15 $ sera ainsi atteint sans avoir été contraint par le salaire minimum.

Maintenant, une fois le marathon des négociations terminé et les ententes ficelées, il faudra bien s’attaquer à l’un des plus importants défis au sein de la fonction publique : sa motivation. Tous les gestionnaires savent que le salaire est loin d’être l’aspect le plus important pour y arriver. 

Sentir que son point de vue est considéré, que l’on exerce un emploi de façon autonome, que la confiance et le respect mutuel priment, que des occasions de croître dans l’organisation existent sont tous des facteurs bien plus importants qui génèrent du bonheur au travail, et par ricochet de la productivité. 

Pourrions-nous viser que dans 10 ans, les Québécois valorisent le fonctionnariat à sa juste valeur ?

Et qu’un fonctionnaire soit fier de dire qu’il travaille pour l’État et qu’il accomplit un travail valorisant et valorisé ? Ça battra toujours toutes les conventions collectives les mieux négociées du monde.

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