Le 17 novembre dernier, La Presse a souligné la percée thérapeutique majeure rendue possible grâce aux travaux de recherche de pointe effectués sous la direction d’un chercheur québécois émérite, le Dr Jean-Claude Tardif, de l’Institut de cardiologie de Montréal.

Les résultats de l’étude COLCOT, rendus publics lors du dernier congrès de l’American Heart Association, à Philadelphie, démontrent que l’utilisation de la colchicine réduit de 23 % les complications d’un infarctus du myocarde, et de 34 % le risque total d’événements cardiovasculaires initiaux et récurrents. Très peu coûteux et utilisé depuis des décennies, le bénéfice de ce médicament pourrait être, selon le Dr Tardif, « très, très élevé » pour les patients.

Bien entendu, il faudra laisser aux agences réglementaires comme Santé Canada le soin d’analyser ces données. Néanmoins, l’étude COLCOT constitue une avancée majeure à maints égards. Outre ses retombées potentielles dans la prise en charge des patients, cette étude constitue une innovation importante dans un tout autre domaine, celui du développement de nouvelles thérapies. Alors que cette activité est généralement associée à la découverte de nouvelles molécules, l’étude COLCOT nous démontre que de telles percées thérapeutiques sont également possibles en utilisant des médicaments déjà connus et vendus à un coût très abordable.

Il pourrait donc être possible de réaliser des avancées majeures dans l’intérêt des patients sans pour autant faire exploser les budgets du système de santé.

À cet égard, la colchicine n’est pas un cas isolé. La tendance à trouver une nouvelle vocation aux médicaments déjà en usage grâce à de nouvelles indications thérapeutiques retient depuis un certain temps l’attention du monde de la santé. Autant les professionnels soignants que les chercheurs ou les gestionnaires du système de santé, sans oublier les dirigeants de l’industrie pharmaceutique, se penchent sur ce potentiel à donner une seconde vie à de vieux médicaments. Leur volonté de trouver des solutions efficaces aux besoins médicaux actuels, sans les tensions éprouvées lors de la commercialisation de nouveaux médicaments à prix très élevé, est entière. Donner une nouvelle vie aux médicaments génériques offre donc la possibilité exceptionnelle de rehausser l’impact positif des médicaments sans pour autant remettre en cause la pérennité des systèmes de santé.

Un frein à la recherche

Cependant, un médicament comme la colchicine, contrairement à la plupart des médicaments novateurs, ne possède aucune exclusivité réglementaire. Il peut donc être facilement commercialisé par quiconque satisfait aux exigences de Santé Canada en matière d’innocuité, d’efficacité et de qualité en comparaison avec les médicaments reconnus, sans la nécessité de procéder à des investissements importants.

Cette absence d’exclusivité réglementaire constitue un frein majeur à la recherche de nouvelles indications thérapeutiques de médicaments qui n’en bénéficient pas. Les entreprises pharmaceutiques sont confrontées en tout temps à un facteur de rentabilité. Très peu d’entre elles s’y aventurent, car nos systèmes d’approbation et de remboursement des médicaments ne sont pas adaptés à la réalité de travaux de recherche d’indications requérant des investissements considérables.

Le cadre actuel de ces systèmes est conçu en fonction de médicaments novateurs bénéficiant de cette exclusivité.

D’où le peu d’intérêt manifesté par l’industrie, et ce, malgré les retombées potentiellement importantes pour les patients.

L’enjeu est donc majeur. La recherche de nouvelles indications pour des médicaments sans exclusivité peut s’avérer une composante essentielle à la solution des problèmes liés au coût croissant des nouveaux médicaments. Il est facile d’envisager l’ampleur des économies et des gains d’efficience rendus possibles pour notre système de santé si Santé Canada devait conclure, à l’issue de son examen des données, que la colchicine est une option thérapeutique valable dans la prévention des complications de l’infarctus du myocarde.

Pharmascience, société entièrement québécoise fondée ici à Montréal par mon père, Morris Goodman, a choisi d’appuyer le projet COLCOT et les efforts du DTardif et des chercheurs de l’Institut de cardiologie de Montréal. La totalité de nos investissements est effectuée ici. Nous sommes devenus au fil du temps le principal employeur pharmaceutique au Québec et un acteur majeur en R et D. Il était donc naturel pour notre entreprise de se solidariser avec un groupe de chercheurs québécois d’avant-garde prêts à entreprendre des travaux qui font aujourd’hui la fierté de la communauté montréalaise. Notre mission est de mettre le patient à l’avant-plan en augmentant l’accessibilité des options thérapeutiques peu coûteuses. C’est dans cet esprit que nous croyons qu’une profonde réflexion est nécessaire. 

À un moment où l’assurance-médicaments est plus que jamais au cœur des débats publics au Canada, le temps est venu de se pencher sur les mesures à prendre afin de lever les barrières à la recherche de nouvelles indications des médicaments existants. Il importe de donner suite à l’étude COLCOT et de multiplier les exemples analogues.

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