Qui n’a pas entendu ces manchettes : les urgences débordent, les urgences sont à bout de souffle, l’attente aux urgences est trop longue. Ces titres apparaissent ad nauseam dans les médias depuis plus de 30 ans.

Et malgré des changements organisationnels, des incitatifs et des menaces, les chiffres se maintiennent et les intervenants peinent à trouver des solutions structurantes aux problématiques des urgences.

En 2016, le Commissaire à la santé et aux services sociaux a fait état de constats troublants. En moyenne, 30-40 % des visites aux urgences étaient faites par des patients nécessitant des soins d’urgence (les priorités 1, 2 et 3), tandis que 60-70 % des visites auraient pu être traitées ailleurs (les priorités 4 et 5).

Et bien que des gains en efficacité sur les visites ambulatoires aient pu être réalisés dans les dernières années, les visites sur civière ont augmenté, annulant du même coup certains gains. On parle de séjour moyen pour les visites ambulatoires d’environ 4 heures et de 14 heures pour les visites sur civières, souvent des patients en attente d’un lit d’hospitalisation.

Le nombre de personnes de 65 ans et plus a fortement augmenté dans la population dans les 10 dernières années et atteindra 25 % de la population en 2030. Or, les patients qui se présentent aux urgences sont plus âgés.

En 2012-2013, on a évalué par exemple que le groupe d’âge des 75 ans et plus qui représentait 7 % de la population accaparait 26 % des visites sur civières.

Dans un article de La Presse d’avril 2019, la journaliste Ariane Lacoursière a rapporté que même si le nombre de visites aux urgences diminue, les patients de 75 ans et plus ont été plus nombreux à se présenter aux urgences en 2018-2019, ce qui peut expliquer en partie la hausse de la durée moyenne de séjour puisqu’une bonne partie de ces patients sont hospitalisés.

Aux États unis, de nombreux observateurs notent une pression similaire sur les urgences. À l’hôpital du Mont Sinaï de New York, on évalue qu’un patient sur cinq qui se présente aux urgences a plus de 65 ans. Certains sont en perte d’autonomie, atteints de divers stades de sénilité ou verront leur mobilité grandement réduite à la suite de leur séjour à l’hôpital.

Nouveaux modèles

Dans cette perspective, plusieurs décideurs américains se sont réunis pour développer de nouveaux modèles de soins qui sont dirigés vers cette clientèle plus âgée. Il y a un effort pour maintenir un milieu de vie sécuritaire et adapté à la mobilité du patient. On surveille la santé mentale du patient, les épisodes de délire, la démence, la dépression. Il y a une révision de la médication utilisée. Puis une conversation est menée pour comprendre les objectifs du patient, ce qui importe le plus au patient qui se présente à l’hôpital, mais aussi comment améliorer sa situation à la maison.

Les urgences du Mont Sinaï sont accréditées par le Collège américain des médecins d’urgence depuis 2018 comme des urgences adaptées à la gériatrie. Ces urgences peuvent compter sur des protocoles adaptés, plus de ressources et des professionnels formés en gériatrie qui travaillent en interdisciplinarité pour offrir des soins de haute qualité aux patients plus âgés.

Ce modèle utilise une approche d’équipe pour offrir des soins et trouver des services de soutien qui répondent aux objectifs des patients.

Comme la population continue de vieillir, on peut penser que les urgences auront d’énormes défis pour contenir l’alourdissement de cette clientèle.

Cependant, on revient toujours aux mêmes causes parce que les mains des uns sont liées par les intérêts politiques des autres, vieillissement de la population, manque de plateaux techniques, manque de personnel, manque de lits, attente interminable pour des consultations, première ligne inefficace, soins de longue durée et à domicile inadaptés, insuffisants et sous-financés.

Loin de moi l’idée que l’attente diminuera ou que tous les problèmes du réseau seront réglés par une direction différente aux urgences orientée vers les problématiques d’une population vieillissante. Il reste que la première ligne est inefficace et les soins pour les personnes âgées, pas toujours au rendez-vous. Mais si on peut réduire les admissions en agissant en amont et réduire les réadmissions en travaillant en aval, on aura certainement fait un bon bout de chemin.

L’expérience du Mont Sinaï peut servir d’inspiration.

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