À la stupeur générale, le monde entier a appris à la mi-novembre que 80 % de l’habitat du koala dans une région de l’Australie avait été détruit par des incendies de brousse en quelques jours seulement.

Plus de 1000 koalas ont péri alors que de très nombreux autres ont été grièvement brûlés. À la suite de cette hécatombe, certaines populations de koalas pourraient être fonctionnellement éteintes, c’est-à-dire que leur nombre et la superficie de leur habitat ne permettraient plus d’assurer leur survie à l’état sauvage.

Cette tragédie illustre une nouvelle fois les ravages que nous faisons subir au patrimoine naturel de notre planète.

L’Australie fait face à une sécheresse historique depuis le début de l’année. Pour la première fois, le 11 novembre dernier, pas une goutte d’eau n’est tombée sur cette île vaste comme un continent et un mercure record de 46,6 degrés a été atteint durant cette canicule.

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Plus de 1000 koalas ont péri et de très nombreux autres ont été grièvement brûlés dans des incendies de forêt en Australie.

Au plus fort des incendies, les intervenants combattaient sur des fronts s’étendant sur un total de 6000 kilomètres, soit plus que la distance entre Halifax et Vancouver. Bien que les incendies de brousse soient fréquents en Australie, les experts s’entendent pour considérer que cette catastrophe porte une empreinte humaine : celle des changements climatiques.

Les grenouilles se sont tues

Des hécatombes comme celle-ci illustrent de manière tragique que le monde tel que nous l’avons connu disparaît sous nos yeux. J’ai souvenir du concert assourdissant et merveilleux de centaines de grenouilles dans un étang près de la maison de mes grands-parents à Sainte-Foy. Elles se sont tues. Dans les Laurentides, je me souviens d’éclosions de milliers de lucioles qui illuminaient les nuits de juillet. Elles se sont éteintes. Les papillons monarques virevoltaient par milliers durant mon enfance à Rimouski. On s’émerveille aujourd’hui d’en voir un seul en espérant en tirer un cliché pour Instagram.

Depuis les années 70, 3,2 milliards d’oiseaux sont disparus en Amérique du Nord. La bande sonore de nos étés a été amputée du chant des roselins, des hirondelles, des alouettes et des chardonnerets. Nous y sommes, au printemps silencieux annoncé par Rachel Carson en 1962. Dans le monde, la vie sauvage a décliné de 60 % depuis 40 ans. Chez nous, au Québec, la harde de caribous de la rivière George est passée de 800 000 têtes en 1980 à moins de 14 000 aujourd’hui, et le déclin du béluga semble inexorable.

Nous assistons avec une complicité passive à la destruction méthodique et implacable de la vie telle qu’elle existait sur Terre il y a quelques décennies encore. Cette entreprise d’éradication industrielle du vivant est la plus visible en Amazonie, où près de 10 000 km2 de forêt ont été délibérément brûlés en 2019, mais elle se poursuit ici aussi au Canada, où l’industrie pétrolière réclame agressivement le droit d’accroître sa pollution comme si demain n’existait pas.

Il n’y a aucun indice du koala, du caribou ou du climat à la Bourse, et en conséquence, l’industrie continue d’agir comme s’ils n’existaient pas. 

L’éradication des écosystèmes et des espèces n’est qu’un dommage collatéral dans ce qui peut être qualifié de guerre totale menée contre la planète. Qu’on en juge : chaque jour, nous envoyons l’équivalent de 500 000 bombes d’Hiroshima en émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ce bombardement doit cesser.

Un enjeu moral

La protection de la vie sur Terre sous toutes ses formes est un enjeu qui ne peut plus faire l’objet de compromis économiques ou politiques où la nature finit toujours perdante. Il s’agit d’un enjeu moral au même titre que l’esclavage, le travail des enfants, l’égalité des hommes et des femmes ou les droits de l’homme fondamentaux. C’est sur le plan moral qu’il faut désormais mener notre combat.

Nous ne pouvons plus détourner le regard et renier nos responsabilités, individuelles comme collectives, devant cette folie mortifère. Les pires atrocités de l’histoire humaine ont été commises parce que chacun acceptait de détourner le regard, et elles ont été surmontées lorsqu’un nombre suffisant de personnes en ont eu assez et ont eu le courage d’agir moralement.

Nous sommes aujourd’hui à un tournant de l’histoire. Et ce vendredi sera assurément un vendredi noir lorsque des parents devront expliquer à leurs enfants pourquoi ils pourraient, un jour, ne plus jamais voir un koala ou un béluga, sauf en photo ou peut-être en peluche à 50 % de rabais. Un monde sans koalas, sans lucioles et sans hirondelles est un monde qui a perdu ses repères moraux. Leur souffrance doit sonner notre réveil.

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